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dans l’anatomie, la perspective, l’optique, plus de méthode et de suite, sinon plus de sensibilité. Ce sera, aussi, par une sympathie atavique pour les ouvrages gréco-romains et byzantins répandus autour d’eux, un besoin impérieux de clarté dans la mise en scène plastique ou pittoresque, d’équilibre harmonieux dans le rythme linéaire ou coloré, d’expression forte ou aimable dans le mouvement des figures. Ce sera, enfin, sous l’action croissante de la culture humaniste, une liberté et une richesse d’invention sans cesse alimentées par les apports variés de l’histoire et de la littérature. Quelle que fût l’excellence des œuvres laissées derrière eux, dans leurs pays, comment nos Français et nos Flamands n’auraient-ils donc pas été surpris et ravis en rencontrant les fresques de Giotto et de ses élèves, de Fra Angelico, des deux Lippi, Mantegna, Botticelli, Ghirlandajo, Signorelli, les marbres et bronzes des grands Pisans, de Jacopo della Quercia, Ghiberti, Donatello, della Robbia, et de tant d’autres artistes incomparables ? Comment ne se seraient-ils pas sentis exaltés et transformés par le contact de ces œuvres supérieures, par leur multiplicité, leur éclat, leur fraîcheur, alors que nous nous trouvons encore si émus devant les débris incomplets, altérés et fanés, de cette merveilleuse floraison ? Quelle diversité de spectacles, quelle richesse dans les conceptions, quelle liberté et quelle science dans la composition, quelle force ou quelle grâce dans l’exécution, quelle sûreté dans le maniement de la matière employée !

Dans cet immense effort vers la perfection technique et la réalisation d’un idéal encyclopédique, ce qui attirait, séduisait, instruisait, exaltait, surtout, nos bons ancêtres, c’était, sous l’action combinée d’un amour passionné pour la nature vivante et d’une reprise non moins ardente de la pensée antique, la réapparition, cette fois décisive et définitive, dans le monde moderne, de l’idée de la Beauté. Idée mystérieuse, indéfinissable, dont le monde gréco-romain avait vécu, dont il était mort, idée tenace et indestructible, que le Christianisme et l’Eglise avaient, en vain, par instans, maudite et cru proscrire, mais qui était redevenue, malgré elle ou par elle, son agent de propagande et d’édification populaires le plus actif et le plus durable. Beauté du rythme linéaire, beauté des harmonies colorées, beauté corporelle des êtres représentés, beauté morale et intellectuelle des sentimens et des passions exprimés, tout cela, déjà, ne faisait