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du président Roosevelt qui, sentant la partie indécise, n’a pas hésité à se jeter dans la mêlée. Nous sommes loin de ces mœurs électorales ! Le Président de la République ne pourrait même pas avoir l’idée, chez nous, de prendre en main la cause d’un candidat, ni surtout d’attaquer l’autre avec une véhémence passionnée. Mais la constitution américaine ne ressemble pas à la nôtre, et il faut bien dire aussi que M. Roosevelt a une manière à lui de la pratiquer : û ne s’embarrasse pas de petits scrupules quand il s’agit de l’intérêt de son parti. Le président n’a pas parlé en personne, mais il a chargé son ministre des Affaires étrangères, M. Elihu Root, de le faire expressément en son nom, ce qui est tout comme. M. Root a déclaré que l’élection de M. Hearst serait un scandale moral et politique contre lequel la conscience du président se révoltait. M. Hearst n’en a pas moins eu la majorité dans la ville de New-York ; mais il a été en minorité dans le reste de l’État et finalement battu. Ces élections semblent assurer le succès des républicains à l’élection présidentielle qui aura lieu dans deux ans, et particulièrement celle de M. Roosevelt, s’il se représente. Il leur reste, en effet, une avance notable sur les démocrates. Le caractère du parti démocrate se transforme d’ailleurs, nous allions dire se dénature d’une manière qui, en lui assurant des concours nouveaux, lui fait perdre quelques-uns des anciens. Il devient socialiste et quasi révolutionnaire, tandis que les intérêts conservateurs ont une tendance à se grouper, pour leur défense, autour des républicains. Il résulte de ce double mouvement un certain déclassement des anciens partis historiques, dont nous aurons à parler quand le moment en sera venu. La place nous manque d’ailleurs pour le faire aujourd’hui, et nous nous contentons d’enregistrer le succès que, malgré tout, ont obtenu, cette fois encore, à la force du poignet, les républicains et M. Roosevelt.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.