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solutions nouvelles. Il se trompe peut-être ; mais du moins sa bonne volonté est sincère et loyale. On pouvait craindre que, dans la seconde période d’un an qui va s’ouvrir, le gouvernement n’attribuât les biens de l’Église à des associations schismatiques. Il n’en sera pas ainsi, tant que M. Briand sera ministre, et du coup, la tentative de M. des Houx est frappée de mort. « Ne croyez pas, a dit M. Briand, que j’irai personnellement user de cette faculté de donner par décret à une association catholique les biens dont il est question de telle manière qu’une caricature d’association pût en profiter. Ce n’est pas mon intention. Je suis libre penseur ; je ne favorise pas telle ou telle religion, et je n’ai nul désir, quand une religion disparaît, d’en voir une autre surgir. Je parle ici aux libres penseurs qui savent ce qu’est la libre pensée et qui la pratiquent pour eux et chez eux, mais chez eux à ma manière qui n’est pas tyrannique ; et comme ces libres penseurs peuvent bien avoir des enfans ou des femmes qu’ils laissent aller à l’église, je leur dis : Si vos femmes ou vos enfans vont à l’église, il vaut mieux pour eux et pour vous qu’ils n’y rencontrent pas de faux prêtres ou des prêtres indignes. Et j’ajoute : Si l’Église doit disparaître, qu’elle disparaisse ! Mais la loi n’a pas été faite pour susciter une Église dans l’Église catholique. »

Nous ne croyons pas que l’Église soit appelée à disparaître, mais aux difficultés de vivre qu’elle va rencontrer et qu’elle surmontera, il faut savoir gré à M. Briand de ne pas en ajouter perfidement de nouvelles. Le ton général de son discours est sérieux et grave, bien différent de l’esprit caustique et railleur de M. Clemenceau dans ses discours du Var ou de la déclamation amphigourique, agressive et blessante de M. Viviani. M. Briand semble même avoir voulu répondre à M. Clemenceau lorsqu’il a dit qu’il ne distinguait pas le Pape des catholiques dans les divers pays où s’exerçait son autorité, et que dès lors le Pape n’était étranger nulle part : il est Français en France, Allemand en Allemagne, Autrichien en Autriche, etc. Le Pape n’a pas accepté la loi de séparation : aussitôt les radicaux et les socialistes l’ont accusé de prêcher aux catholiques la révolte et l’ont menacé de représailles brutales. Le Pape et les catholiques sont dans leur droit, a déclaré M. Briand : il déplore l’usage qu’ils en font, mais il le respecte comme légitime. La loi de séparation leur accorde de larges avantages, elle ne les oblige pas à en profiter ; s’ils n’en veulent pas, c’est leur affaire ; s’ils préfèrent le droit commun, qu’ils en usent. Le droit commun, c’est la loi de 1881 sur les réunions publiques. Certes, le recul est grand de la loi de 1905 à celle de 1881 ; mais les catho-