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consécration de plus. Toute cette partie de la déclaration ministérielle est excellente. M. Clemenceau y a ajouté, pour la galerie sans doute, des phrases démocratiques qui n’y font ni bien ni mal. Notre diplomatie, a-t-il dit avec insistance, doit être républicaine, ce qui va de soi puisque la République est la forme constitutionnelle de notre gouvernement ; mais, sous un régime politique ou sous un autre, les intérêts internationaux restent les mêmes et sont utilement servis par des moyens identiques. Ces roulemens de tambour ont accompagné la déclaration ministérielle sans grand profit, mais M. Clemenceau a sans doute pensé qu’ils étaient dans les règles du genre.

Ce qui ne l’était pas, c’est la phrase qui se rapporte au Saint-Siège : il est difficile de rien imaginer de plus inconvenant. M. Clemenceau a bien raison, quand il parle de la paix, de dire qu’elle ne peut se concilier qu’avec le respect de notre dignité : pourquoi donc ne ménage-t-il pas celle des autres ? Il le fait, certes, et très prudemment, lorsqu’il s’agit des forts ou même des demi-forts. Avec les faibles, au contraire, il reprend une arrogance qu’il croit évidemment de bonne politique, mais qui n’est certainement pas de bon ton. On sait ce que nous pensons de l’attitude du Saint-Siège dans le conflit moral qui nous agite. Les opinions sont à cet égard très diverses, et il est peut-être inévitable qu’elles le soient. Mais aucun esprit impartial ne met en doute que le Pape ne songe qu’aux intérêts religieux dont il a la garde, et qu’il les défend à sa manière en dehors de toute préoccupation politique. On n’en mène pas moins contre lui une campagne odieuse, en disant qu’il obéit à des influences de parti à l’intérieur, et, à l’extérieur, à des influences étrangères : M. Clemenceau a été un des instigateurs de cette campagne. Il l’a commencée comme publiciste ; il l’a continuée comme ministre ; il y persévère comme président du Conseil. Nous avons relevé l’expression de « fonctionnaires de l’étranger » que, dans ses discours du Var, il a appliquée à nos évêques et à nos curés. Dans la déclaration ministérielle, il est allé plus loin, et, s’en prenant au Pape lui-même : « Tout en faisant, a-t-il dit, la part des préventions invétérées, nous aurons soin de barrer solidement la route aux retours offensifs de l’esprit de domination plus particulièrement redoutable quand il émane d’une autorité étrangère ouverte elle-même à des influences étrangères. » L’accusation est nette : est-elle exacte à un degré quelconque ? Ici, il faut s’entendre. M. Clemenceau veut-il dire que, dans des questions purement religieuses, l’attitude de Home à notre égard est le résultat d’influences étrangères ? Alors il calomnie le Saint-Père.