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Le soir au fond du chœur, la lampe qui brûlait
Terne, devient plus vive et paraît une étoile
Protégeant le petit navire avec sa toile
Suspendu dans l’espace, et comme s’il allait
Partir dans l’infini que la Foi nous dévoile.

Qu’il faisait doux prier dans l’ombre qui noircit,
Où sont les revenans du souvenir fidèle..,
Sa mère, — tout enfant on priait auprès d’elle, —
Son père, — du naufrage on lui fit le récit, —
Et celui qui l’aimait et qui la trouvait belle !

Mais tous ces pauvres gens ne viennent plus hanter
Dans Paris trop bruyant sa route longue à suivre
Et, si pour l’éprouver Dieu la condamne à vivre,
Ainsi que son Sauveur, il lui faudra porter
Toute seule sa croix au ciel qui nous délivre !


AU LOIN


Le râteau promené dans les blanches allées
Trace des chemins creux pour la sage fourmi,
Pour la mésange aussi, les bestioles ailées
Qui cherchent un brin d’herbe ou bien un grain de mil.

Mon esprit voyageur d’un désir ou d’un rêve
Suit les sillons menus et si vite comblés,
Pendant que l’heure passe et que le jour s’achève
Dans le ciel aux aspects purs et renouvelés.

Il rejoint le domaine où les fleurs avaient l’âge
Et l’éclat attendri de mon jeune printemps ;
Si mon premier espoir fleurit sous son feuillage,
Mon premier regret dort au fond de ses étangs.

Si j’ai su la nature et gardé son empreinte
Comme un voile impalpable et de parfums tissé
Qui fit mon esprit clair et mon âme sans crainte,
Et me donna le goût des choses du passé.