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Sans chaise, ni prie-Dieu, les bras tendus et droits
Vers son Sauveur qui l’aime à cause de sa peine,
Tour à tour enviant Marie ou Madeleine,
Elle fait sans fléchir son long chemin de croix,
Ses genoux ramassés sous sa jupe de laine.

Mais que l’église est grande en son pieux parcours,
Et que l’autel est loin pour sa brève prière !
Qui l’entendra montant aux colonnes de pierre,
Si Dieu ne la reçoit, d’où viendra le secours,
A l’angoisse qui tient son âme tout entière ?

La haute nef a trop de cierges allumés,
L’orgue est comme un tonnerre, et la Vierge Marie,
Comme une reine, a des colliers en pierreries.
Son bel enfant, un globe entre ses bras fermés,
N’est plus le doux Jésus que l’on aime et qu’on prie !

Elle revoit alors son modeste clocher :
Sur le seuil qui s’affaisse une marche branlante,
Les Fonts sont au revers de la porte battante,
Avec la corde, où le sonneur doit s’accrocher
Pour les glas et les angélus à nuit tombante.

Voici les bancs de chêne où traînent les missels,
Car chacun tient toujours même place à l’église ;
Et la chaire à prêcher, à la tournante frise,
Faite de fleurs, d’oiseaux, d’arbres essentiels
Où des anges volans s’entrevoient par surprise.

Le cimetière aussi ; c’est par là que l’on vient,
En côtoyant ses morts, à Dieu qui vous appelle.
Les croix font le sentier de la vieille chapelle,
Les tombes, les bouquets ; on pleure, on se souvient :
Et l’heure de la messe en est plus solennelle !

La lumière du jour entre par le vitrail,
Que frôle le dessin d’une vigne enlacée,
Et cette même vigne en dentelle est tracée,
Sur la nappe d’autel ; le plus petit détail
Emeut la pauvre femme et trouble sa pensée.