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formes de régimes qui se ramènent à trois types : la communauté plus ou moins modifiée, le régime dotal, et la séparation de biens. La règle de l’incapacité est absolue, indépendante du régime, et domine en tous cas la condition de la femme mariée. D’ailleurs la France reste partagée comme jadis en pays de droit écrit et pays coutumiers.

Dans les anciens pays coutumiers, Paris, l’Ile-de-France, le Nord et le Centre, la préférence va à la communauté toujours, mais réduite aux acquêts. La seule différence avec la communauté légale réside dans la répartition des biens entre les trois patrimoines ; les propres s’augmentent de tous les biens possédés par les époux au jour du mariage et acquis par succession et donation ; la communauté se restreint aux « acquêts. » Mais les pouvoirs du mari, le champ d’activité de la femme sont les mêmes ; elle a plus d’avantages, puisqu’elle met moins de son avoir en commun et qu’elle attend la même moitié du patrimoine créé par le mari : elle trouvera peut-être plus gênantes les restrictions à son activité, puisque, sur ses propres plus nombreux, elle n’a pas plus de droits.

Le régime dotal, toujours pratiqué dans le Midi et la Normandie, garde son caractère essentiellement conservateur. La femme est assurée de la conservation de sa dot ; en revanche, elle n’a aucune part dans les économies et les profits du mari, dont le crédit se trouve du reste fort limité par la condition d’inaliénabilité, si dangereuse pour les tiers. La femme cependant, ainsi étrangère à l’activité du mari comme à l’administration de sa dot, peut avoir son activité propre ; tous ses biens non dotaux ou paraphernaux sont abandonnés à sa libre direction, sous la réserve de l’incapacité générale qui l’empêche de faire seule des actes de disposition. Dans ses lignes essentielles, le régime dotal convient aux grandes fortunes territoriales, aux existences qui ne courent point les risques d’une entreprise industrielle ou commerciale, aux maisons sûres de l’avenir et toutefois prudemment administrées. Comme il supprime le crédit, il ne comporte point les crises, ni même les embarras d’un moment : les ravages du phylloxéra ont ruiné tant de familles du Midi, parce que les maris de femmes dotales n’ont pu trouver les capitaux qui auraient permis de replanter, et qu’ils ont dû se résigner à des ventes désastreuses.

Avec la séparation de biens, les époux renversent en quelque