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justice ; car il convient qu’elle-même et le mariage et la famille soient protégés.

La puissance maritale subit une diminution non moins grave dans l’organisation de la communauté légale. C’est encore la tradition ici, la force d’un sentiment et d’une habitude qui décidèrent les rédacteurs du Code civil pour le régime coutumier plutôt que pour le système romain de la dot. Il fallait un régime pour les époux qui se marient sans contrat, c’est-à-dire pour la très grande majorité. On choisit le système le plus conforme aux habitudes de la majorité. Tout devient commun entre les époux, ce qu’ils apportent en mariage, ce qu’ils acquièrent ; la loi excepte seulement, à cause de leur valeur, les immeubles que l’un ou l’autre époux possédaient au jour du mariage et ceux qui leur adviennent ensuite par succession ou donation. Il se forme ainsi trois patrimoines, les propres du mari, les propres de la femme, qui sont exceptionnels, la communauté qui comprend à peu près tout. En retour, la communauté supporte tout le passif correspondant à cet actif : elle ne paie pas les dettes des successions immobilières, puisqu’elle ne recueille pas ces successions ; mais elle paie toutes les dettes mobilières, parce qu’elle comprend tous les meubles ; elle paie même les dettes relatives aux immeubles « propres » de chaque époux, parce qu’elle jouit des revenus de ces propres ; seulement elle les paie à charge de « récompense. » Il ne faut pas en effet que les trois patrimoines se nuisent l’un à l’autre ; dès lors, toutes les fois que l’un des époux aura tiré un profit personnel des biens de la communauté, ou celle-ci des biens des époux, l’équilibre sera rétabli au moyen de la « récompense » payée à la communauté ou par elle.

Toutes ces règles sont exactement reproduites de la Coutume, et la communauté se constitue de la même manière. Mais elle se gouverne un peu autrement. Nulle part d’abord, dans le Code, ne se rencontre, pour définir le pouvoir du mari, la formule coutumière : seigneur et maître de la communauté. Le mari est simplement qualifié de chef. Et cette atténuation dans le titre répond à une réalité. Le mari reste bien entendu seul administrateur du patrimoine commun comme du sien propre, et, plus privilégié qu’un administrateur, il est libre d’aliéner et d’hypothéquer à sa guise ; seulement il n’est plus le maître, en ce qu’il a perdu la faculté de donner comme il lui plaît : par