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gouvernement fédéral se traduit donc par la prodigalité envers les unes et l’inefficacité envers les autres. On avait suggéré de tracer une ligne de démarcation entre les districts où la main-d’œuvre de couleur pouvait être interdite et ceux où elle devait rester facultative. Dans ces derniers, des primes à la main-d’œuvre blanche eussent encouragé l’abandon de l’emploi des indigènes. Mais la prime à la main-d’œuvre blanche n’étant qu’une forme spéciale de la prime à la production, le texte de la Constitution s’opposait à ce que cette suggestion fût adoptée.

Les États de Queensland et de Nouvelle-Galles du Sud paraissent seuls en cause dans cette question. Cependant, les autres États y ont un intérêt immédiat, celui de fournir les fonds destinés au paiement des primes. Le gouvernement fédéral n’ayant pas, jusqu’à présent, de ressources propres, n’est, en quelque sorte, que le gérant des recettes des États. Ceux-ci ont été allégés des dépenses des services transférés, mais le gouvernement central en perçoit et administre les revenus, sous la seule obligation de restituer aux États et de répartir entre eux au moins les trois quarts des recettes nettes de la douane. Les budgets des États sont donc à la discrétion du gouvernement fédéral.

Il en résulte que, dans chaque État, le gouvernement, assez disposé à approuver les dépenses d’intérêt commun, telles que celles de la défense et autres grands services publics, voit avec ennui le budget fédéral assumer des charges nouvelles, s’il n’y trouve pour lui-même aucun avantage. Les États de l’Ouest, par exemple, ne s’intéressent pas vivement à l’industrie sucrière du Queensland, et il ne leur est pas agréable de contribuer chaque année au paiement d’environ 150 000 livres sterling aux planteurs de l’Est, alors qu’il eût suffi de ne rien faire pour que leur industrie suivît son développement normal, d’ailleurs satisfaisant.

C’est le même sentiment que j’ai signalé de la part des États de l’Est à propos du Transcontinental Railway, et le même encore qui accueille avec méfiance les autres projets de primes, soit à l’immigration, ou à l’industrie métallurgique, ou à certaines industries agricoles, dont il est de plus en plus question. L’esprit d’union n’est pas encore assez puissant et le gouvernement fédéral n’a pas assez d’autorité pour faire accepter de bonne grâce par les États des décisions qui ne s’accordent pas avec leurs