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étranger ne lui permet cependant pas d’empiéter sur les libertés dont jouit l’Australie en vertu de sa Constitution. Il ne refuse pas ses bons offices, proteste de ses intentions conciliantes, s’offre à réclamer un complément d’informations, mais, en définitive, se dérobe. Grâce à ce ballottage, favorisé par l’inévitable lenteur de la correspondance entre des points si éloignés, l’affaire, avant d’avoir fait un pas, perd son actualité. De nouveaux incidens surgissent qui en détournent l’attention. On devine qu’elle n’aboutira pas, et on se contente de « nourrir » son dossier avec une croissante lenteur, jusqu’au jour où, plus qu’à demi oublié, il est classé, d’un geste discret, mais définitif, dans le carton où il dormira son dernier sommeil.

Si les relations de l’Australie avec les puissances étrangères, ont ainsi causé quelques désagrémens, c’est un peu la faute de celles-ci. Elles auraient dû s’apercevoir que le gouvernement fédéral ne regarde pas avec plaisir les pourparlers suivis à Londres sur des questions qui l’intéressent. Elles se sont strictement tenues dans le domaine de la fiction, croyant ou feignant de croire que les affaires des antipodes se règlent à Downing Street, alors qu’on s’y contente le plus souvent de les enregistrer.

La protection et le développement des intérêts de tout ordre des puissances continentales en Australie exigeait qu’on y préparât le terrain de négociations directes. Le gouvernement fédéral s’y fût prêté, et, pourvu qu’on eût observé les formes, le Colonial Office en eût certainement ratifié les résultats, à la demande du gouvernement fédéral Cette attitude aurait eu un autre avantage, et plus important que l’arrangement amiable de questions de détail, celui de nous faire prendre contact avec cet intéressant pays. Elle eût flatté son légitime amour-propre. Au lieu de l’abandonner aux suggestions de son isolement, elle eût fait naître en lui le sens, qu’il ne possède pas encore, des rapports internationaux et l’eût amené à une appréciation de ces rapports plus favorable à ses vrais intérêts.

A supposer cependant qu’on eût jugé nécessaire de ne traiter qu’à Londres les affaires australiennes, ou, — ce qui est peu probable, — que le gouvernement britannique l’eût exigé, il eût fallu, en cas de réclamations non satisfaites, être prêt à mettre directement en cause la responsabilité de ce dernier. Lorsque, par exemple, les autorités australiennes ont soumis les navires étrangers à des exigences insolites, donner avis à l’Angleterre