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central ait laissé une bien faible part d’autorité aux gouvernemens des États. Ce n’est qu’une apparence. On doit remarquer d’abord que les attributions du gouvernement fédéral sont, comme aux États-Unis d’Amérique, et contrairement aux dispositions de la Constitution du Canada, limitées par cette énumération. Les États conservent donc tous les pouvoirs non expressément transférés. Ils peuvent continuer à vendre, louer ou affermer les terres de leur domaine, exploiter leurs chemins de fer, emprunter sur leur crédit propre, amortir et convertir leurs emprunts. A l’exception des douanes, accises, postes et télégraphes, ils établissent, suppriment, augmentent ou diminuent à leur gré toute taxation directe ou indirecte. Leurs Parlemens légifèrent en matière d’agriculture, de mines, de travaux publics, d’arbitrage, d’instruction publique et d’administration de la justice (hors les cas réservés à la juridiction des Cours fédérales).

De plus, et c’est un de ses points faibles, la Constitution, en accordant au Parlement fédéral le pouvoir de légiférer sur certaines matières, n’a pas enlevé ce pouvoir aux Parlemens des États. Il va sans dire qu’en cas de conflit de législations, la loi fédérale est seule applicable. Mais, dans la pratique, combien de subtilités, de distinctions et d’objections peuvent trouver place dans une discussion d’espèce ayant pour point de départ les divergences entre la loi d’un État et celle du Commonwealth ! Or, les matières sur lesquelles la « concurrence législative » existe entre la Fédération et les États sont nombreuses et importantes. Les principales sont les questions d’immigration, de régime des banques, d’assurances et de faillites.

Indépendamment de cette dualité d’attributions, certaines restrictions contribuent à réduire le pouvoir législatif du Parlement fédéral. En matière commerciale, par exemple, ce pouvoir est borné aux relations du Commonwealth avec les autres pays et entre les États, tandis que les conditions du commerce dans l’intérieur d’un État restent, comme par le passé, soumises aux lois de cet État. En matière de taxation ou d’octroi de primes à la production et à l’exportation, le gouvernement fédéral doit respecter le principe d’une parfaite uniformité entre les États. Nous verrons plus loin que cette obligation peut avoir des conséquences contraires à l’intention qui l’a inspirée.

Ce sont les dispositions constitutionnelles se référant à l’institution du Sénat qui entravent le plus l’action du gouvernement