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montre Constance appelé en Bretagne par les dieux : « Au moment d’aller les trouver, il est parti pour voir l’Océan, père des dieux… Maintenant, le ciel s’est ouvert pour lui et il a été reçu dans l’assemblée des dieux, Jupiter lui-même lui tendant la main. » Un peu plus loin on trouve la mention de la Victoire et d’Apollon, protecteur spécial de l’Empereur, et, dans le VIIIe Panégyrique, celle de « la Terre mère des moissons » et de « Jupiter roi des airs. » Il est vrai qu’au moment où ces harangues sont prononcées, Constantin n’a pas encore embrassé le christianisme, mais il lui est déjà favorable. D’ailleurs, même après sa conversion, on continue à lui tenir un langage païen : en racontant sa victoire sur Maxence, on n’oublie pas de rappeler l’aide qu’il a reçue soit du dieu du Tibre, soit de légions divines apparues dans le ciel, gigantesques et étincelantes, qui passaient, conduites par Constance, en s’écriant : « Nous allons au secours de Constantin. » Ce dernier détail est fort curieux : il représente la forme païenne de ce que les écrivains chrétiens racontent comme étant le miracle du Labarum. De même, dans le Panégyrique de Théodose, nous rencontrons encore les souvenirs classiques et mythologiques de Jupiter, d’Apollon et d’Hercule, des Destins, des Dioscures, pour ne citer que ceux-là, souvenirs un peu surprenans quand on songe que l’empereur devant qui ils sont évoqués est le fervent défenseur de l’orthodoxie et l’ami de saint Ambroise !

Les Panégyristes sont donc restés jusqu’au bout fidèles au paganisme. On peut cependant remarquer qu’ils n’ont pas tous la même façon d’être païens. A défaut d’oppositions tranchées, on relève entre eux quelques nuances. Les premiers discours du recueil sont animés d’une véritable dévotion à l’égard des dieux consacrés de la mythologie : on félicite les empereurs de multiplier les autels, les statues, les temples et les ex-voto ; on se complaît à rappeler les détails du culte d’Hercule, l’Ara Maxima, les sacrifices héréditaires de la gens Pinaria, ou à parler des temples d’Apollon, des Muses, de Minerve. Dans les éloges de Constantin et de Théodose, ces allusions aux rites anciens et aux légendes traditionnelles deviennent plus rares, et sont remplacées par des formules assez vagues : « préceptes divins, » « impulsion divine, » « secours d’une puissance bienveillante, » « force de la divinité, » « protection d’un dieu immortel, » telles sont les expressions, un peu indécises, qu’on emploie le plus