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Panégyrique a exercé une charge au palais ; Claudius Mamertinus a rempli des fonctions élevées dans les finances, et a été nommé ensuite préfet du prétoire et consul. Et ce ne sont pas là des cas isolés. Eumène, en remerciant les empereurs de leur sollicitude pour les écoles, dit qu’elle est bien légitime, car « il s’agit de ne pas laisser sans direction les jeunes gens qui étudient pour parler dans les tribunaux, pour être les agens de la justice impériale ou pour exercer peut-être même les grandes charges du palais. » L’auteur du VIIe Panégyrique déclare qu’il compte parmi ses enfans tous les élèves dont il a fait des avocats, ou des fonctionnaires du palais impérial, ou des gouverneurs de provinces. Il y a donc là une règle habituelle. La carrière normale d’un jeune homme bien doué est de suivre avec docilité les leçons des rhéteurs, et d’entrer lui-même ensuite, soit dans le professorat, soit dans l’administration, à moins qu’il ne passe de l’un à l’autre. Par là comme par beaucoup d’autres traits, l’Empire du IVe siècle ressemble à la Chine : les emplois y sont confiés à une aristocratie de « lettrés » ou de « mandarins. » Cette comparaison, d’ailleurs, indique à elle seule le vice de cette conception. Là où la littérature a pour mission essentielle de préparer au fonctionnarisme, ni l’un ni l’autre n’y gagnent beaucoup : l’enseignement littéraire, dominé par des préoccupations bureaucratiques, ne peut être bien souple ni bien vivant ; et d’autre part, les fonctionnaires, à qui l’on ne demande que d’être de bons lettrés, d’habiles rhéteurs, ne sauraient avoir beaucoup d’expérience pratique ni d’activité.

De même qu’ils nous font connaître les rapports de l’enseignement avec l’Etat, les Panégyristes nous apprennent aussi quelles sont les relations de la Gaule avec le reste de l’Empire. La plupart d’entre eux, sinon tous, sont originaires de ce pays, et y sont visiblement très attachés. Il est donc naturel que nous trouvions dans leurs discours l’écho des sentimens de leurs compatriotes, de leurs plaintes, de leurs désirs, de leurs espérances, de leurs joies. Ainsi ils parlent souvent des épreuves que leur province a eu à traverser. Eumène a conservé le souvenir des violences commises par les révoltés à la fin du IIIe siècle, et du terrible siège soutenu par sa chère ville d’Autun. Claudius Mamertinus décrit ainsi la triste situation de la Gaule avant l’avènement de Julien : « Les villes jadis les plus florissantes possédées par les Barbares ; celles que la distance met à l’abri de leurs coups