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met sur le trône, revêtue de pourpre, d’or et de pierreries, la philosophie, naguère suspecte et traitée en coupable. — Évidemment il y a bien de la partialité et dans cette satire des prédécesseurs de Julien et dans cet éloge de Julien lui-même. Mais du moins, l’orateur a compris les intentions de son protecteur impérial, sa résolution de rompre radicalement avec les traditions antérieures, et l’originalité de ses conceptions morales et politiques.

Il y a donc dans les Panégyriques, — mêlées à bien des louanges banales, cela va sans dire, — des observations précises et même assez perspicaces. Par là ils rendent quelque service, à l’histoire. Assurément on ne peut accepter leur témoignage sans réserve, et, pour le dire en passant, il est fâcheux que le début du IVe siècle ne nous soit guère connu que par deux sources également suspectes, quoique pour des raisons contraires : les Panégyriques et le pamphlet de Lactance Sur les morts des persécuteurs. Un recueil de discours officiels et un libelle d’opposition, c’est vraiment peu pour connaître la vérité ! Il y aurait bien de la naïveté à se fier aveuglément à l’un ou à l’autre de ces documens. Mais je crois qu’il n’y aurait pas moins d’injustice à les repousser tous deux de parti pris. Le témoignage des Panégyriques notamment conserve de la valeur pour peu que l’on sache l’interpréter, le compléter, le corriger au besoin en lui faisant subir la réduction de ce que les astronomes appellent « l’équation personnelle, » le débarrasser de ce qu’il offre de visiblement erroné ou exagéré.


III

Ces discours peuvent encore intéresser les historiens à un autre titre ; et, par exemple, puisque tous les Panégyristes sont des rhéteurs de profession, on peut essayer de déterminer d’après leurs discours l’idée qu’ils se font de leur métier, et de ses rapports avec la société contemporaine. Comme on peut s’y attendre, ils ont de l’enseignement auquel ils se sont consacrés l’opinion la plus enthousiaste, et s’applaudissent joyeusement de voir les gouvernans lui rendre la justice qui lui est due. « Qui, parmi les anciens souverains, a pris autant de soin de faire fleurir la science et l’éloquence que les maîtres actuels du genre humain, si bons et si généreux ?… Bien qu’ils fussent occupés