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M. Charles Richet, qui avait naturellement pris toutes les précautions d’un expérimentateur averti et faisait lui-même les explorations les plus minutieuses avant et après chaque séance, discute toutes les hypothèses avant d’accepter des faits aussi extraordinaires, proclame ainsi que jusqu’ici les autres expérimentateurs n’ont pas encore entraîné la conviction, et conclut que la seule question est de savoir s’il y a eu, ou non, fraude.

Malheureusement il semble qu’il y ait eu fraude, ou tout au moins la preuve n’est pas faite de la non-tricherie. D’après les publications du docteur Rouby à Alger (les Nouvelles), du docteur Valentin à Paris (la Vie normale), du peintre von Max à Leipzig (Psychische Studien), il semble que, dans les expériences antérieures à celles de M. Richet, la fraude a été volontairement commise par un médecin et par le cocher arabe Areski ; et, dans les expériences de M. Richet, il y a eu fraude, consciente ou inconsciente, du médium, au moins dans beaucoup de séances, dans un nombre suffisant de séances pour qu’on n’ait plus foi dans les autres.

De cette histoire que M. Charles Richet a très bien fait de publier[1] ressort cette double conclusion : 1o la démonstration des matérialisations n’est pas encore faite ; 2o la question ne paraît même pas mûre pour une étude scientifique actuelle.


V. — FAITS DONT LA DÉMONSTRATION EST PEUT-ÊTRE MOINS ÉLOIGNÉE
ET, EN TOUS CAS, DOIT ÊTRE RECHERCHÉE TOUT D’ABORD

Suggestion mentale et communication directe de la pensée. — Beaucoup de personnes croient que la suggestion mentale est scientifiquement établie, c’est-à-dire que, quand un sujet est endormi, l’hypnotiseur peut lui suggérer une idée sans lui parler, sans le toucher, sans employer aucun des moyens connus de

  1. « J’estime, dit très justement M. Flournoy, que, loin de reprocher à M. Richet sa publication, il faut lui savoir gré de ce que, titulaire d’une des plus hautes chaires scientifiques du monde civilisé, il a eu le courage de s’attaquer, sans parti pris et sans siège fait, à un domaine aussi mal noté que celui des phénomènes dits occultes, au risque d’y compromettre, non pas la science qui ne court aucun danger, mais sa réputation personnelle, son prestige officiel, son autorité aux yeux de ses confrères et du grand public cultivé. » — Personnellement, je n’ai jamais regretté d’avoir présidé, à la Faculté de Montpellier, en 1893, la thèse du Dr  Albert Coste sur les Phénomènes psychiques occultes, quoique la chose ait été, à cette époque, je ne dis pas une révolution, mais une innovation universitaire ; pas plus que je n’ai regretté d’avoir publié l’expérience de clairvoyance dont je parlerai plus loin.