Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glant du triomphe du spiritualisme, pour fonder, rien que sur des preuves de cette sorte, la croyance à un phénomène si extraordinaire et encore si discuté que l’est celui des apports, de ces apports, dont des psychistes, fort bien disposés et de haute valeur scientifique, tels que sir Olivier Lodge, déclarent ne point connaître un seul exemple scientifiquement prouvé… L’on éprouve une répugnance presque invincible à croire qu’au cours d’une séance, le supposé corps fluidique du médium se dégage à tel point qu’il se rend à Babylone y pratiquer des recherches archéologiques ou bien qu’il court après les oiseaux dans les forêts de l’Australie, pour rapporter ensuite les produits de sa chasse et de ses fouilles à ces messieurs de la Société d’études psychiques de Milan. »

Ici aussi d’ailleurs le psychisme inférieur peut intervenir et produire des fraudes inconscientes. Témoin le fait que raconte M. Pierre Janet dans la Préface de mon Spiritisme devant la science.

Il s’agit d’une hystérique qui présenta à son médecin une série d’objets qui lui avaient été miraculeusement apportés, disait-on dans la famille, par sainte Philomène. C’étaient « des plumes d’oiseau, surtout du duvet qui provient probablement de son édredon, quelques fleurs desséchées, des cailloux colorés bizarrement, quelques fragmens de verre et quelques bijoux communs en argent, comme un petit ange aux ailes déployées qui semble un morceau d’une broche cassée. » La malade est « somnambule, personne n’en doute ; c’est elle qui se levait la nuit en dormant, cherchait au fond d’un coffret une petite pierre bleue en forme de cœur et la cachait dans la poche d’un tablier ou bien disposait les morceaux de verre en croix sur la table avec des plumes tirées de l’édredon. » Parfois même le somnambulisme est diurne : « La malade endormie s’étonne elle-même » en retrouvant des scènes comme celle-ci : « Avant le dîner de famille, elle se voit monter sur la table, y placer un tabouret pour s’élever plus haut et coller des plumes au plafond avec un peu de farine mouillée d’eau ; puis, elle est descendue tranquillement, a tout mis en ordre et est rentrée dans sa chambre pour s’habiller sans aucun souvenir de cette mauvaise plaisanterie. Au dîner, quand les plumes décollées peut-être par la chaleur de la lampe sont tombées, elle a été sincèrement stupéfaite. — Mais, dit-elle, comment se fait-il que j’allais faire ces choses ?… »