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gravement qu’ils le seraient dans des pays dont le système nerveux est mieux établi. Ces accidens restent des accidens, quelque nombreux qu’ils soient ; ils ne produisent pas cette modification générale de l’organisme que les médecins appellent une diathèse. C’est ce qui aide la Russie à traverser une épreuve qui est sans doute très redoutable pour elle, mais qui le serait encore plus pour tout autre pays. Le gouvernement n’est pas atteint par le mal ambiant, ou du moins il l’est peu. Ses ressources propres ne sont pas sensiblement entamées. Et quand nous parlons du gouvernement, ce n’est pas assez dire. Malgré les grèves, l’industrie russe continue de produire, et le commerce de trafiquer ; les finances même ne sont pas compromises. Ce qui reste grave, c’est l’état des campagnes, où la crise agraire ne peut être conjurée que par des mesures d’ensemble prises très largement. La crise politique n’est pas sans remèdes, pourvu toutefois que le gouvernement ne recommence pas avec la nouvelle Douma les fautes qu’il a commises avec l’ancienne, et pourvu aussi, ce qui malheureusement est plus difficile encore à obtenir, que les partis modérés montrent plus de courage à rester modérés, au lieu de, lutter de défiance et d’intransigeance avec les partis révolutionnaires, socialistes et anarchistes.

Pour le moment, on ne peut rien dire de décisif sur l’état de la Russie. La préoccupation dominante est celle des élections. La seule chose certaine, c’est qu’aucun gouvernement n’est possible avec une assemblée où il n’y a pas un puissant parti gouvernemental : or dans l’ancienne Douma il n’y en avait pas, soit qu’on n’ait pas su le dégager, soit qu’il n’ait pas su se dégager lui-même des élémens confus où il a fini par rester enseveli. Le secret de l’avenir est de savoir si on sera, avec la prochaine, plus habile ou plus heureux.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.