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ne met en doute la bonne foi du gouvernement. Aussi commence-t-on partout à se préparer aux élections. C’est ce que nous avions conseillé de faire dès la dissolution de l’ancienne Douma : n’est-ce pas aussi ce qu’entendait sir Henry Campbell Bannermann lorsqu’il prononçait, sans aucune arrière-pensée désobligeante pour le gouvernement russe, cette parole d’espérance et d’encouragement : « La Douma est morte, vive la Douma ! »

L’activité électorale se manifeste par des réunions de parti. Elles ne peuvent pas avoir lieu en Russie sans l’autorisation du gouvernement, qui l’accorde ou la refuse suivant que ceux qui la demandent lui plaisent ou lui déplaisent. Il l’a accordée aux Octobristes, ce qui signifie qu’il les considère comme un parti de gouvernement et il l’a refusée aux Constitutionnels-démocrates, aux Cadets, ce qui signifie qu’il porte sur eux un autre jugement. Les Cadets étaient le groupe le plus important de la dernière Douma. On les accuse d’avoir commis beaucoup de fautes, et, en effet, ils en ont commis d’assez lourdes ; mais il serait injuste de ne pas leur tenir compte d’une inexpérience parlementaire dont ils n’ont pas été les seuls à donner des marques, et aussi de l’attitude hostile et rogue que le gouvernement a eue tout de suite à leur égard. Les choses auraient pu tourner autrement si, de part et d’autre, on n’avait pas pris le parti vraiment absurde de s’ignorer publiquement et de se combattre sournoisement. Il n’y a de gouvernement possible que par une entente entre les pouvoirs publics : on l’a trop oublié en Russie. Mais tout cela appartient déjà au passé : la question d’aujourd’hui est de savoir ce que sera demain. Le gouvernement, comme les partis, se prépare aux élections. Il ne peut pas modifier la loi électorale, ce qui est peut-être regrettable ; mais les lois constitutionnelles le lui interdisent. En conséquence, tout son effort s’applique à soutenir ou à combattre certains partis, et il s’est donné particulièrement pour tâche de combattre les Cadets. Il ne leur a peut-être pas fait plus de mal qu’ils ne s’en sont fait à eux-mêmes : pourtant il leur en a fait et il continue de leur en faire autant qu’il peut. Comment pourrions-nous, à la distance où nous sommes, et au milieu de la confusion des événemens, pressentir les résultats de cette tactique ? Nous ne l’essaierons pas : mais n’est-il pas fâcheux que les hostilités aient pris un ? caractère aussi tranché ? De la part du gouvernement, il y a sans doute le désir de justifier la dissolution de l’ancienne Douma en combattant, et, s’il le peut, en écrasant le parti qui y a joué le rôle principal. Et, de la part des Cadets, il y a la préoccupation naturelle, puisqu’on coupe tous les