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quelque nation qu’ils soient, regardés comme sujets de l’Empereur de France, qui les prend sous sa protection. »

C’est en vertu de l’article 25 que le consul de France, de concert avec le vicaire lazariste, prêtait ses bons offices et au besoin distribuait des secours aux esclaves italiens, espagnols, allemands et même suédois. Voici, entre plusieurs, un exemple de ce protectorat généreux de la France qui, en ce cas, s’exerça même en faveur d’esclaves non catholiques.

M. de Sparenfeld, gentilhomme suédois, qui était venu en 1692 à Alger, avait résidé trois mois au consulat de France ; en visitant les bagnes, il avait trouvé plusieurs de ses compatriotes, dont la misère avait excité sa commisération. A son retour, il fit part de sa découverte au roi Charles XI, qui résolut de payer leur rançon. « Je vous prie, écrit-il à René Lemaire, de Stockholm, le 5 août 1694, de la part du roi mon maître, de racheter tous les esclaves suédois qui sont en Alger. Envoyez-moi la liste exacte de leurs noms, prénoms, lieux d’origine, etc. » Et il ajoute : « Surtout qu’il n’y ait pas de Danois, ni de Norvégiens ! » On voit par ce trait que l’antipathie entre les deux branches de la race Scandinave ne date pas d’hier. Le consul de France racheta ces esclaves et les recueillit dans sa maison ; mais le consul d’Angleterre, l’ayant appris, alla se plaindre au Divan, que des gens d’une autre religion que la catholique, apostolique et romaine, se vinssent mettre sous la protection de la France, et, en sa qualité de protestant, il revendiqua la protection de ces Luthériens captifs (décembre 1694).

Le ministre du dey, exécutant cette fois loyalement les traités conclus avec la France, déclina l’intervention du consul d’Angleterre et fit donner à Lemaire le nom de tous les esclaves suédois qui restaient encore dans la Régence et qui furent libérés par ses soins.

Avec cet épisode, nous sommes parvenus au terme de la période que nous nous proposions d’étudier. Il ressort de la correspondance des hommes d’Etat, qui se sont succédé au ministère de la Marine, Colbert, Seignelay et Pontchartrain, que le rachat des esclaves a été la grosse affaire des amiraux et des consuls envoyés à Alger, tantôt pour châtier les corsaires d’Alger, tantôt pour négocier la paix. L’étude des lettres et instructions données à nos consuls à Tunis et Tripoli aboutirait aux mêmes conclusions. Tandis que les Mathurins,