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avoir au prix de 33 piastres, c’est-à-dire environ 125 livres. C’est le prix minimum trouvé dans les documens. Voici une échelle de prix moyens d’esclaves, pendant vingt-cinq ans : en 1666, 600 livres ; en 1687, 935 ; en 1689, 675 livres. En 1692, après la peste qui avait enlevé 35 000 esclaves et les opérations des deux rédemptions espagnoles, 800 livres[1]. D’après ces chiffres, on peut conclure que le prix moyen d’un esclave était de 750 livres. Plus tard, au XVIIIe siècle, il monta jusqu’à 1 000 livres.


IV

Il nous reste, pour compléter le tableau de ce grand marché aux esclaves qu’était alors Alger, à signaler quelques rédemptions à la fin du XVIIe siècle. Tandis que le dey d’Alger se plaignait, au ministre de la Marine et au consul de France, de la mauvaise volonté des officiers des galères de Marseille, qui cachaient leurs rameurs turcs, pour ne pas être obligés de les rendre, les Pères de la Mercy négociaient avec le Divan la rançon des esclaves. « L’aumône d’Espagne, écrit d’Alger le consul André Piolle[2], arrivée ici le 1er avril, en est repartie le 20, avec 337 esclaves de rachat. Comme on les passait en revue, avant de s’embarquer, il s’en jeta 9 dans les mosquées, — c’étaient des renégats, — et le pacha ne voulut pas les rendre. »

En novembre 1689, le provincial des Mercédaires de France, le P. Nolasque Malaisé, envoya à Alger trois religieux, avec deux frères convers, pour racheter des captifs français. Ces rédempteurs, munis d’un passeport du roi de France, n’avaient pas moins de 90 000 livres dans leur bourse, à cet effet. « J’écris aux Pères de la Mercy de s’entendre avec vous, écrivait Seignelay au capitaine Marcel, pour l’emploi des deniers[3]. » Ils ne purent quitter Marseille que le 25 février et débarquèrent à Alger, le 16 mars 1690. Ils trouvèrent cette ville-ci agitée par des bruits de guerre et furent cinq jours sans pouvoir rien faire. Enfin, le 23 mars, la paix fut conclue entre le dey et le capitaine, et puis ratifiée par la milice ; les opérations de rédemption s’ouvrirent le 1er avril.

On échangea d’abord 90 Turcs, contre autant d’esclaves

  1. Lettre de Du Sault du 30 décembre 1691.
  2. Lettre du 22 avril 1686.
  3. Instructions au capitaine Marcel du 9 février 1690.