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une, celle des Anglais dans l’Inde en est une autre. Si l’Algérie est un pays de peuplement français, l’Indo-Chine a besoin, avant tout, pour prospérer, d’une bonne politique indigène : c’est le travail de ses propres habitans qui doit faire sa fortune et assurer aux maisons françaises qui y font du commerce, de l’industrie ou de l’agriculture, des bénéfices rémunérateurs. Nous colonisons pour les autres, dit-on encore parfois. Les chiffres que nous avons cités, pour montrer l’heureux développement des échanges entre les colonies et la métropole, apportent à cette objection, un peu vieillie, la meilleure des réponses. La France fait aujourd’hui, avec ses colonies, plus d’un milliard de commerce, c’est-à-dire autant qu’avec sa meilleure cliente, l’Angleterre : notre vie économique est de plus en plus liée au travail des colonies. Presque toutes nos industries demandent chaque jour davantage leurs matières premières à nos colonies, et elles y sont assurées d’un débouché toujours plus important pour leurs produits fabriqués : nous l’avons montré à propos de Marseille, mais nous pourrions le dire de tous nos principaux ports, de Lyon, de Paris, de nos grandes villes manufacturières. L’activité de nos ports, nos lignes de navigation, nos industries, notre commerce trouvent un aliment nouveau dans nos possessions lointaines à l’heure où nous avons à lutter contre une concurrence internationale de plus en plus formidable.

Chacune de nos grandes colonies est apparue à Marseille ce qu’elle est en réalité, une individualité de plus en plus autonome et complète, douée de tous les organes nécessaires à la vie, mais rattachée, autant par ses intérêts que par ses origines, à l’ensemble de la vie nationale. Chacun de ces grands morceaux de l’empire français a sa place et est appelé à jouer son rôle dans la partie du monde où il gravite : l’Indo-Chine participe à la vie de l’Extrême-Orient, Madagascar à celle de l’Océan indien : ils sont, pour ainsi dire, dans des milieux différens, les représentans de la civilisation et de l’activité françaises. L’existence de ces colonies prospères est, pour la France, un élément de stabilité économique et même politique ; à l’heure où il se produit, grâce à la rapidité des communications, une sorte d’unification des méthodes de production et d’échange et où les pays de civilisation européenne se font concurrence avec des produits similaires et de qualité sensiblement équivalente, il n’est pas indifférent, pour une grande nation, de trouver, dans des