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Pour une bonne gouvernante, c’est ce qui est bien rare partout ; si je trouve une meilleure que celle qu’il y a déjà, je vous le manderai ; en attendant,… M. de Madra est installé pour précepteur. »

Il ne semble pas que l’Électrice Charlotte ait usé de la permission de venir voir sa fille à Hanovre. Personne ne l’y encouragea. Elle lui avait écrit une première fois à Cassel, dans les termes les plus tendres, « pour lui montrer que sa pauvre maman pensait toujours à elle[1]. » Liselotte avait répondu, et sa mère l’en avait remerciée, le 4 juillet, par une lettre où se rencontrait cette phrase : « Que Dieu te conserve et te fasse devenir grande et pieuse, afin que tu me sois un jour une consolation, en place du mal qui m’est fait maintenant en t’arrachant à moi. » J’ignore si ces lignes imprudentes passèrent jamais sous les yeux de l’enfant ; en tout cas, elle ne répondit plus. — L’Électrice Charlotte à Mme de Harling : — « (Heidelberg, 15 janvier 1663.) Je ne comprends pas que nous autres, pauvres malheureux, nous soyons ainsi oubliés de vous tous ; j’en veux surtout à Liselotte, qui a laissé deux lettres de moi sans réponse, et qui fait comme si j’étais morte ; Dieu la punira…. » — À la même, du 3 mars : « Ecrivez-moi un mot pour me dire si Liselotte est morte ou vivante. Je ne sais absolument rien d’elle, et elle a beau être ingrate envers moi, mon cœur de mère ne peut pas se détourner entièrement d’elle, »

Ce fut de cette façon dure et sèche que l’Électrice Charlotte fut bannie pour toujours de la vie de sa fille. Elles se revirent ; mais Madame, même mariée et protégée par la distance, témoigna toujours par son attitude qu’elle avait appris à considérer sa mère comme un épouvantail.


IV

Les quatre années passées chez la duchesse Sophie furent pour Liselotte quatre années d’un bonheur sans mélange. Elle avait trouvé à Hanovre un accueil affectueux, joint à un train de vie facile, sinon raffiné, et à une éducation qui lui faisait répéter plus tard qu’elle devait tout ce qu’elle avait de bon à sa tante de Hanovre et à Mlle d’Uffeln. À dire le vrai, cette

  1. Cette lettre et les suivantes sont tirées de l’Introduction écrite par le Dr. Ed. Bodemann pour les lettres de Madame à M. et Mme de Harling (p. VIII et IX).