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abandonnés dans le Midi à des gérans peu fidèles, dont la plupart auraient mérité la réponse d’un grand seigneur du XVIIIe siècle à son intendant : « Je te donne pour tes étrennes tout ce que tu m’as volé cette année ; » le sol tombant peu à peu en friche et ne trouvant plus acquéreurs ni fermiers, — de telles misères semblaient défier les remèdes, poussant les victimes vers l’inertie, le banditisme, l’émigration, le communisme. La main de l’homme se retirait de la terre, et la terre le punissait sévèrement, les marais se reformaient, les maladies endémiques dévoraient certaines provinces. Dans plusieurs régions, la production du blé, même en 4885, ne dépassait pas six hectolitres à l’hectare.

Les abus de la grande propriété se faisaient durement sentir, ceux de l’émiettement du sol (atomisirung) n’étaient pas moins fâcheux. « Par legs du passé, écrivait en 1898 M. Léopold Mabilleau, il existe, dans les seules provinces dépendant de Naples et de Sicile, 500 000 hectares de « terres publiques, » 185 000 en Sardaigne, 200 000 dans les anciens États pontificaux. Et la saisie des propriétés pour lesquelles l’impôt n’a pu être acquitté, vient augmenter chaque jour cette espèce de fonds de mainmorte… Selon l’Annuaire du Ministère des Finances pour l’année 1880, sur 3 500 000 propriétaires contribuables inscrits seulement au rôle foncier… il y en avait 3 millions qui payaient moins de 20 lires d’impôts à l’Etat et à la province réunis et 370 000 qui payaient moins de 40 lires… Dans certaines provinces, comme la Ligurie, l’Emilie, la Toscane et les Marches, la propriété rurale se fractionne jusqu’à des cotes infinitésimales : 25 pour 100 des domaines inférieurs à 10 ares, 33 pour 100 à 1 hectare[1]… »

  1. Rayneri, Mabilleau et Rocquigny : la Prévoyance sociale en Italie ; — Léon Say : Dix jours dans la Haute Italie, avec une préface de M. Eugène Rostand, 2e édition, 1896 ; — Albert Jarrin : les Caisses d’épargne italiennes et le Crédit agricole, in-8o, Chambéry, 1900 ; — C. Guerci : Instituzioni agrarie della provincia di Parma, 1895 ; — Bodio : la Statistique des langues populaires, avec une préface de M. Luzzatti, 1895 ; — Luigi Battei : Les institutions agraires de la province de Parme ; — Gasca : Il credilo e l’agricultura ; — De Laveleye : Nouvelles lettres d’Italie ; — Valentini : Il credito in Italia ; — Morpurgo : Rapport sur la situation des paysans en Vénétie ; — Levi : le Banche popolari ; — Aies. Rossi : Il credito popolare nelle associazioni cooperativi ; — Wollenborg : les Caisses rurales italiennes ; — Andisio : le Casse rurali cattoliche ; — Luigi Cerutti : Studio sulle casse rurali cattoliche di Prestiti ; — Tite Poggi : Origine, organisation et résultats de l’enseignement agricole ambulant en Italie ; — VIIe Congrès international d’agriculture.