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Huguenots et maintes fois au cours de l’ouvrage, le choral de Luther ne fait guère que revenir et ne va pas, — ou presque pas, — jusqu’à se transformer. Le motif éclatant et triomphal par où commence la marche du Prophète, est celui qui naguère, alors incertain et timide, annonçait le récit, fait par Jean à ses sombres conseillers, du songe auquel il refusait de croire. Ici la seule intensité, le degré de force ou de couleur des sons, marque toute la différence entre les promesses du rêve et leur accomplissement. Mais, au premier acte de Robert le Diable, c’est en leitmotiv véritable, que la ballade de Raimbaud est traitée. Toute simple d’abord et très claire, il suffit du mode mineur, de quelques accords de septième, aux intervalles diminués, pour la compliquer et l’assombrir, pour en dégager à demi le mystère et la menace, qu’au début elle ne semblait pas contenir.

Dans ce qu’on nomme la symphonie, il convient de distinguer deux élémens, ou deux principes. Le premier n’est guère autre chose que le nombre et la variété des instrumens, leur timbre, ou leur couleur, et leur faculté d’expression. Le second, plus intellectuel en quelque sorte, et qui tient du raisonnement ou de la logique, consiste à développer une idée musicale, à la multiplier par elle-même, à tirer, à déduire d’elle tout ce qu’elle renferme et peut donner. De ces deux ordres, qui se touchent et ne se confondent pas, le premier est plutôt celui de l’orchestration ; l’autre, celui de la symphonie proprement dite. Ce dernier domaine, où Wagner devait un jour entreprendre de transporter, voire d’enfermer le drame lyrique, ne fut que rarement le terrain de notre musique et, pour ainsi dire, jamais celui de notre grand opéra. Pourtant on trouve çà et là dans l’œuvre, non pas de Rossini, mais de Meyerbeer, des esquisses ou des amorces de symphonie. C’en est une que l’introduction de Robert le Diable, où le motif de la future « Evocation des nonnes » est thématiquement travaillé. C’en est une encore, — et même un peu plus « avancée, » ou « poussée, » — que certain passage du quatrième acte du Prophète, où trois ou quatre notes de Fidès (« Et toi, tu ne me connais pas ! ») circulant à travers la polyphonie des voix et de l’orchestre, là soutiennent et, pour ainsi dire, la nourrissent tout entière.

Ainsi les diverses formes de la musique, et de la musique de théâtre, se partagent, sans que l’une ou l’autre y domine, le genre que nous achevons d’analyser. Nous avons parlé