Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’encyclique Gravissimo contient deux parties. La première condamne les associations cultuelles de la loi de 1905, et aussi toutes celles qu’on pourrait essayer de former en dehors de garanties « certaines et légales » que le Pape énumère et qu’il déclare indispensables. La seconde s’en remet néanmoins à l’épiscopat du soin de « prendre tous les moyens que le droit reconnaît à tous les citoyens pour disposer et organiser le culte religieux. » De ces deux parties, les évêques se sont tenus à la première. Ils n’ont tiré aucun parti de la seconde. Ils ne paraissent même pas l’avoir tenté. La majorité considérable qui, au mois de mai, s’était ralliée à l’idée d’essayer quelque chose, a comme fondu sous le souffle du nouveau document pontifical. Elle n’a plus été qu’une minorité infime ; et c’est un bel exemple de soumission ou de résignation que l’épiscopat français a donné. Évidemment, les évêques se sont sentis découragés d’avance. La tâche qu’on leur avait imposée leur a paru impossible, et nous reconnaissons volontiers qu’elle était pour le moins bien difficile à remplir. Dans le doute plein d’angoisse où ils étaient plongés, ils se sont abstenus. Ils ont pris le parti de laisser aller les choses comme elles pourraient, comme semblait le vouloir le Pape, comme il plairait à Dieu. Peut-être ne pouvaient-ils pas faire autrement ; mais c’est de quoi nous gémissons. Les circonstances sont si graves qu’il fallait plus que jamais dans l’Église catholique une autorité très ferme et une obéissance très docile. L’obéissance s’est produite, et, quoi qu’il puisse advenir par la suite, elle méritera toujours d’être approuvée, car la moindre division aurait été plus funeste que tout. Mais l’autorité, si elle a été revendiquée très haut, n’a pas encore été exercée dans toute sa plénitude. Elle n’a pas tenu tout ce qu’elle avait annoncé.

La logique voudrait, semble-t-il, en présence du renoncement de l’épiscopat français, que le Saint-Père en revint à sa première pensée, et qu’il donnât lui-même les instructions pratiques qu’il avait promises. La fermeté véhémente de son langage avait fait croire que ses idées étaient dès lors bien arrêtées, et qu’il n’éprouverait aucun embarras à dire, quand l’heure en aurait sonné : Voici ce qu’il faut faire ; prenez vos mesures en conséquence ! Mais il n’en a rien été. Le Pape a commencé par consulter les évêques, qui ont été d’avis de former des associations « canoniques et légales, » ou « fabriciennes. » Peu importe le nom : il s’agissait toujours d’associations formées pour assurer l’exercice du culte. On se serait contenté de ne pas en emprunter trop exactement le type à la loi de 1905. Le Pape a réfléchi longtemps, puis il a opposé son veto à la suggestion de l’épiscopat