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et délivrer ainsi nos fils bien-aimés de la crainte de tant et si grandes épreuves ! Mais comme cet espoir nous fait défaut, la loi restant telle quelle, nous déclarons qu’il n’est point permis d’essayer cet autre genre d’association tant qu’il ne constera pas, d’une façon certaine et légale, que la divine constitution de l’Église, les droits immuables du pontife romain et des évêques, comme leur autorité sur les biens nécessaires à l’Église, particulièrement sur les édifices sacrés, seront irrévocablement, dans lesdites associations, en pleine sécurité. » Ce passage de l’Encyclique n’en est pas seulement le plus important, il est l’Encyclique tout entière. Le Pape n’approuve décidément pas, — tant que la loi restera ce qu’elle est, — les associations sur lesquelles il avait appelé lui-même l’attention des évêques et qui avaient paru acceptables dès maintenant à la grande majorité d’entre eux. Il n’a donc pas pu avoir l’intention de dire, et il n’a pas dit que, sur ce second point comme sur le premier, il se bornait à confirmer leur délibération. La vérité est tout l’opposé : le Pape condamne les associations qui lui ont été proposées ; et c’est de là justement que viennent les difficultés présentes. Elles sont telles que nous avouons ne pas savoir comment l’épiscopat pourra y pourvoir, ni, au surplus, comment le gouvernement pourra s’en tirer.

Parlons d’abord de l’épiscopat. Son angoisse n’est pas moins poignante que celle du Saint-Père à la pensée des épreuves qui attendent l’Église de France. Il en connaît mieux encore peut-être la gravité. Ce n’est pas la persécution matérielle, directe et violente, que l’Église doit craindre en ce moment, mais bien une difficulté de vivre qui était déjà grande avec la loi, et qui le sera davantage sans elle ou contre elle. Nos évêques s’en rendent compte. Ils savent que la foi n’est pas en progrès dans l’ensemble du pays ; qu’elle y est plutôt en recul, et que Lamennais a été un peu prophète en dénonçant l’indifférence comme le mal qui menaçait chez nous l’idée religieuse. Ce qui est à redouter pour l’Église, c’est le détachement des masses, qui feront le vide autour d’elle si on leur demande un effort dont elles ne sont pas actuellement capables. L’Église ne périra pas pour cela, mais son action s’exercera dans un cercle de plus en plus restreint, où de jour en jour elle sentira diminuer cette influence étendue et profonde qui a fait autrefois sa force, et son prestige. Les évêques ont vu le danger. Peut-être n’y ont-ils pas trouvé encore le remède approprié, puisque le Pape n’a pas accepté celui qu’ils proposaient. Il les invite toutefois à continuer leurs recherches ; il ne désespère donc pas de les voir aboutir. Dès lors nous ne devons pas en désespérer