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dès lors faire les principaux frais de l’éloquence qui a coulé à pleins bords. Le sujet y prête ; les orateurs sont toujours dispos ; il y en a eu de très abondans.

Malgré tout, les réunions et les harangues de ce genre ont un caractère habituel de banalité dont la Conférence interparlementaire de Londres n’aurait pas été exempte, en dépit de la présence et de l’intervention du premier ministre britannique, si on s’en était tenu là. Le discours de sir Henry ne se distinguait pas sensiblement de tant d’autres qu’on a entendus sur la même matière ; mais, en même temps qu’il le prononçait, le gouvernement dont il est le chef déposait et défendait devant le parlement un projet de réduction des dépenses navales, ce qui donnait ou semblait donner plus de valeur pratique à ses paroles. Il ne s’agissait plus seulement d’un discours, mais d’un acte, et cet acte venait du gouvernement qui, sur toute la surface du monde, fait les dépenses militaires les plus considérables. Comment les « pacifistes » n’auraient-ils pas été heureux d’une adhésion en apparence aussi formelle donnée à leurs idées ? Les simples pacifiques, qu’il ne faut pas confondre avec les pacifistes, en ont été eux-mêmes au premier moment très frappés. Les pacifiques sont gens qui aiment la paix, mais croient qu’il faut toujours être prêt à faire la guerre ; les pacifistes, moins convaincus de cette nécessité, estiment que le meilleur moyen d’assurer le maintien de la paix est de désarmer, ou d’armer moins. Ils entendent toutefois, ou du moins ceux d’entre eux qui ont conservé quelque prudence, entendent que le désarmement, partiel ou complet, doit être réciproque et simultané. Il semble qu’on pourrait se mettre d’accord sur cette base ; mais les pacifistes ont une tendance un peu trop naïve à croire à la réalisation facile et prochaine de leur désir, et ils comptent aussi un peu trop, pour la hâter, sur les progrès de l’arbitrage international. Toute cette idylle serait assez inoffensive si la propagande des pacifistes n’habituait pas le peuple à croire que la guerre est une barbarie pure et simple, qu’elle appartient à un monde destiné à disparaître, qu’elle disparaîtra en conséquence elle-même et bientôt, que l’arbitrage réglera désormais tous les différends entre les nations, enfin qu’il est devenu inutile d’entretenir des armées coûteuses et de fournir à la patrie un service militaire dont elle n’a plus besoin. Ces idées et ces sentimens conduisent vite à la décadence ceux qui s’en inspirent : ils font moins de mal à ceux qui se contentent d’en parler.

Dans quelle catégorie faut-il ranger les hommes d’État qui composent aujourd’hui le gouvernement britannique ? Dieu nous garde de