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s’est-il borné, — et il ne l’a fait que très rarement, — à ajouter dans plusieurs de ces dessins quelques rehauts d’aquarelle. Vous ne rencontrerez jamais dans ses tableaux les verts éclatans des arbres et surtout des prairies de la Hollande ; partout il leur a substitué les tonalités brunes ou dorées de l’automne, et la plupart des paysagistes hollandais ont fait comme lui. Seuls Paul Potter et Adrien van de Velde ont timidement essayé de reproduire les fraîches verdures du printemps et de l’été, probablement d’après des études peintes par eux d’après nature. Celles de Potter sont remarquables par la précision minutieuse avec laquelle il copiait les moindres détails de la végétation, les nervures des plantes, les écorces des différentes essences d’arbres. Aussi, tout en variant les arrangemens qu’il en a faits, les a-t-il souvent utilisées et identiquement reproduites dans maintes de ses œuvres. De même, Albert Cuyp a vécu pendant toute sa vie sur un petit nombre d’études facilement reconnaissables ; les tussilages et les ronces qui garnissent les premiers plans de ses pâturages y sont partout traités d’une façon uniforme et très expéditive.

Ce n’est pas avec des visées pittoresques, mais bien pour remplir les devoirs officiels de leur charge que les deux Willem van de Velde, le père et le frère d’Adrien, exécutaient d’après nature les nombreux dessins, — le musée de Rotterdam en possède plus de 600, — qu’ils devaient fournir à l’amirauté, et l’on sait que celle-ci, pour faciliter la tâche de Willem II, mettait à sa disposition un petit bâtiment que l’on voit figurer parmi ces dessins, avec l’inscription : « myn galliot » (ma galiote). Un peu plus tard, un autre peintre, moins en vue, Jean Griffier d’Amsterdam, avait rêvé de se donner lui-même pareilles facilités d’étude. Après une jeunesse assez aventureuse, ayant amassé quelque argent en Angleterre, il y avait acheté pour 3 000 florins un yacht de plaisance qu’il disposait en atelier, et sur lequel il avait réuni une collection de tableaux qu’il comptait vendre en Hollande. Mais assailli par une tempête, il faisait naufrage et perdait tout ce qu’il possédait, sauf une petite somme que sa fille portait sur elle dans sa ceinture. Ce désastre ne l’ayant pas guéri de son humeur nomade, il trouvait de nouveau à acquérir à Rotterdam un vieux bateau pour aller le long des côtes, de ville en ville, à Hoorn, Enkhuizen, Staveren, etc., séjournant devant chacune d’elles autant qu’il était nécessaire pour y peindre