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peignait parmi les rochers et les cascades de Tivoli, il lui empruntât sa méthode qu’il jugeait plus expéditive et plus sûre. A son exemple, il s’était donc mis à exécuter ses études entièrement d’après nature, sur du papier préparé ou sur des toiles de petites dimensions. Il commençait par faire avec soin son esquisse et la peignait ensuite méthodiquement, en procédant de l’ensemble aux détails. Assidu à sa tâche, il y consacrait des journées entières, attentif surtout aux mouvemens et aux colorations des nuages, à la dégradation des ombres et des lumières dans la campagne. Ces études ne nous ont malheureusement pas été conservées. Pas plus que Poussin, d’ailleurs, Claude ne les a converties en tableaux, et cependant, à raison du charme de quelques-uns des motifs qu’il a dessinés d’après nature, il est permis de le regretter, car c’eût été là pour nous, un côté nouveau de son talent. D’habitude, en effet, il cherche surtout dans la composition de ses tableaux à étendre les horizons, à multiplier les plans, à définir chacun d’eux avec cette merveilleuse entente de la perspective aérienne qu’aucun maître n’a possédée à ce degré.

Plus encore que Claude et que Poussin, le beau-frère de ce dernier, Gaspard Dughert (le Guaspre), aimait à peindre d’après nature et il s’était préoccupé de pourvoir avec plus de commodité à l’installation spéciale qu’exigeait ce travail. Mariette nous apprend qu’il partait en expédition « avec un petit âne, son seul domestique, qui lui servait à porter son attirail de peinture, des provisions et une tente pour pouvoir travailler à l’ombre et à l’abri du vent. » Aussi avait-il amassé une grande quantité d’études qu’il s’ingéniait à introduire dans ses tableaux. Du reste, chasseur intrépide et très adroit, il trouvait, dans le gibier qu’il abattait sur son passage, de quoi fournir à sa subsistance.

Chez ces divers artistes, le paysage demeurait surtout décoratif et subordonné à l’expression des divers épisodes, sacrés ou profanes, auxquels il servait de cadre et de commentaire. En Hollande, au contraire, la nature pittoresque allait être étudiée pour elle-même. Quand ils ne disparaissent pas complètement des œuvres de ses peintres, les personnages n’y jouent plus qu’un rôle tout à fait accessoire. C’est dans les humbles motifs qu’ils ont sous les yeux que les paysagistes cherchent et trouvent leurs inspirations ; mais ce pauvre pays, conquis sur la mer et arraché à l’Espagnol, leur est deux fois cher. Sans chercher à le