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l’exercice de 1906 se soldera en excédent, alors qu’il se soldera en déficit : l’équilibre n’en a été assuré que par l’emprunt. Gager sur un ancien emprunt non amortissable l’amortissement d’un nouveau, est une opération financière purement artificielle. On voit encore une fois ici les deux systèmes en présence, celui de la vérité et celui de la fiction. La fiction trop prolongée devient décidément un mensonge : M. Poincaré a préféré la vérité.

Nous reconnaissons d’ailleurs que la vérité coûte cher lorsqu’elle succède à de longs mensonges. Indépendamment de l’emprunt dont nous venons de parler, M. le ministre des Finances s’est vu obligé d’introduire dans le budget des recettes 123 millions d’impôts nouveaux, — somme énorme ! Les endormeurs s’indignent, les endormis brusquement réveillés s’étonnent de ce chiffre, et en demandent la provenance. Elle est double. La première cause de l’augmentation des dépenses est la disparition de certaines ressources d’expédient qui ont servi à équilibrer le budget de 1906, et qui manqueront à celui de 1907 ; la seconde est le coût des lois que la dernière Chambre a votées à la veille des élections. On vote des lois sans se préoccuper des conséquences, en vue d’une popularité immédiate mais provisoire, qui se dissipe ou s’atténue sensiblement quand arrive le moment de payer. Mais qu’importe, s’il arrive quand les élections sont faites ? Le budget de 1907 supportera, seulement de ce chef, une surcharge de 83 millions. Où trouver l’argent ? Où prendre les 123 millions indispensables ? M. le ministre des Finances est allé tout droit aux successions, qui sont déjà très lourdement chargées et qu’il écrase d’une surcharge de 67 627 000 francs, et aux droits de transmission sur les valeurs mobilières qu’il augmente de 11922 000. Cela ne fait pas loin de 80, millions sur les 123 : ils sont pris à ce qu’on appelle la richesse acquise. À ce train, elle sera bientôt acquise par l’État ! Les 43 millions restans sont prélevés : 17 300 000 francs sur les effets de commerce, et une somme à peu près égale sur les absinthes, les vermouts et les eaux minérales. Pourquoi les eaux minérales ? C’est confondre les genres : elles sont, aussi salutaires à la santé publique que les absinthes et les vermouts lui sont contraires. Mais M. le ministre des Finances ne se préoccupe que subsidiairement de l’hygiène : il prend l’argent où il est. — Nous négligeons pour le moment ses autres impôts.

Ce n’est pas sa faute s’il est acculé et s’il nous accule à de semblables extrémités, mais elles sont cruelles ! L’impôt sur les successions est un impôt progressif : il était facile de prévoir que la première