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n’avait que treize ans, mais son âme répondait le mieux du monde à l’admirable symétrie de sa personne : courtoise et affable pour chacun, sans regret du passé ni souci de l’avenir, son unique préoccupation était d’assurer le bonheur de celui qu’elle considérait comme un maître et un bienfaiteur. Quant à moi, parvenu au terme de mon voyage, je compris que c’était à la fois mon devoir et mon penchant d’assurer le sort de cette adorable fille ; et comme j’étais convaincu qu’elle ne pouvait pas être insensible aux précieuses qualités de mon cher valet arménien, Paolo, qui était sur le point de s’en retourner dans son pays, je leur proposai de se marier ensemble, ce qu’ils acceptèrent tous deux avec un empressement mêlé de reconnaissance… Heureuse simplicité ! Je laisse à nos philosophes modernes le soin de la commenter ; pour ma part, je ne rougis point de reconnaître que j’admire de tout mon cœur la soumission passive et la sage inphilosophie de ma chère Teresina, en même temps que je ne trouve pas d’expressions assez fortes pour flétrir l’égoïsme intéressé de ses parens.


Mais bien d’autres voyageurs, avant et après Thomas Whaley, nous ont promenés à leur suite sur les chemins de Jérusalem ; et il faut reconnaître que les plus sceptiques ont encore mis à leur pèlerinage un recueillement, une préoccupation de la beauté, ou du rôle historique, des lieux visités, qui manquent vraiment un peu trop dans les impressions de route du jeune Irlandais. On sent trop que celui-ci, tout en ne négligeant aucun moyen de se divertir, — et il est homme, je le répète, à goûter la vue d’une belle ruine, ou d’une inscription curieuse, presque autant que celle d’une jolie fille, — n’a cependant de pensée, au fond de son cœur, que pour le gros enjeu qui l’attend à Dublin. Lui-même, d’ailleurs, nous le dit, avec sa franchise ordinaire. Parmi les émotions de toute espèce que lui inspire le premier aspect de Jérusalem, aucune ne lui paraît aussi importante à nous signaler que « la perspective radieuse de terminer bientôt son expédition, et de pouvoir se remettre en route vers l’Irlande. » Son voyage à Jérusalem n’a décidément été, dans sa vie, qu’un incident pareil à cent autres, une des cent folies où l’a entraîné, avec son besoin naturel « d’étonner le monde, » l’extraordinaire passion d’aventures qu’il avait en soi. Et c’est chose certaine que les quelques pages de son récit qui ne sont point consacrées au fameux voyage, s’il avait consenti à les développerai auraient fourni la matière d’un livre infiniment plus intéressant pour nous que celui que vient d’exhumer sir Edward Sullivan.


Ces quelques pages se répartissent en deux chapitres distincts, dont l’un sert de préface au livre, et l’autre d’épilogue. Le premier nous raconte la jeunesse de Whaley ; le second est un résumé rapide