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Pondichéry, 2 juillet 1901.

… C’est un lieu commun de dire que la température de Pondichéry est intolérable pendant la saison chaude. Nous y jouissons depuis deux mois d’une chaleur torride et d’une sécheresse exceptionnelle. Voici plusieurs années qu’il n’y a eu que peu ou pas de pluie. La famine sévit dans le Coromandel. Grâce à la misère qu’elle engendre, les entrepreneurs engagent avec facilité des coolies pour les Mascareignes et Madagascar. Nous avons ici un de ces agens d’émigration qui crée au gouvernement de nombreuses difficultés avec les autorités anglaises. Vous n’ignorez pas que le petit territoire qui entoure Pondichéry est composé d’aidées, c’est-à-dire de minuscules districts, enclavés dans les possessions anglaises comme les cases blanches d’un échiquier le sont parmi les noires. Or le gouvernement anglais interdit le recrutement, aux agens étrangers, sur son territoire. Vous voyez d’ici les contestations perpétuelles qui se produisent quand on embauche des coolies. Vérifier leur état civil n’est point chose aisée.

Cette mosaïque d’aldées est cause d’autres difficultés. Passer de l’une dans l’autre devient, à cause des barrières de douane, une affaire d’État, d’autant que l’Hindou, contrebandier ou pour mieux dire fraudeur par essence, ne manque jamais de tromper les douaniers des deux nations. Tout déplacement obligeant les gens à traverser plusieurs fois les terres anglaises et françaises, les Hindous en profitèrent longtemps pour trafiquer sur les bijoux sans payer de droits. Je ne vous rappellerai pas que, dans tout ménage indigène, la femme porte sur elle en or et en argent façonnés, bracelets, anneaux, pendans, boucles, colliers, toute l’épargne de la famille. On chargeait donc les femmes du plus grand nombre de joyaux possible, soit à l’aller, soit au retour, et les ventes et les achats allaient leur train sans que le fisc britannique eût sa part. Les lois promulguées depuis quelques années ont changé tout cela. L’« Indian Act » frappe indistinctement d’un droit protecteur de 5 p. 100 tous les produits et marchandises venant de l’extérieur, fût-ce d’Angleterre ou des colonies anglaises, même les plus rapprochées de l’Inde, telles que Ceylan. Et le contrôle étant exercé avec une sévérité extraordinaire, les fraudeurs ont dû renoncer à leurs opérations.