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leur donne plus. Il alloue au maximum 35 000, 25000, 20 000, 16 000 francs à ses préfets, à ses commandans de corps d’armée, à ses premiers présidens, à ses recteurs, à ses conseillers d’Etat ; et ceux qui, dans les postes officiels, civils ou militaires, touchent plus de 15 000 francs par an, ne forment pas aujourd’hui un effectif total de mille personnes, y compris les agens diplomatiques et les trésoriers de finance, dont les uns sont astreints à une représentation onéreuse et les autres au dépôt d’un fort cautionnement.

Parmi les emplois privés au contraire, en la place des courtiers et des « facteurs » du marchand en gros, des clercs et scribes du banquier, des contremaîtres et « suppôts » du manufacturier, petites gens et de basse mine du XVIIIe siècle, nous voyons des salariés de haute envergure, puissans personnages qui, sous titres de directeurs, administrateurs ou gérans, sont à la tête des chemins de fer, des compagnies de navigation et autres entreprises de transports, des usines et des magasins géans, des établissemens de crédit aux bras longs et multiples, des journaux, des hôtels monstres, des théâtres, des docks, des sociétés d’assurances, d’éclairage, des houillères et des industries de toute sorte où les émolumens de 50 000 francs sont fréquens, où il s’en trouve un bon nombre de 100 000 francs et quelques-uns bien supérieurs.

Les trois « maréchaux de la nouveauté, » qui mènent le magasin le plus prospère en ce genre, se partagent un traitement de 600 000 francs, égal à la moitié de celui du Président de la République. Les douze commis supérieurs qui les assistent et forment leur conseil touchent autant que le conseil des ministres. Au-dessous d’eux, et pour l’ensemble des grands bazars, à Paris, il existe au total plus de 250 traitemens de 25 000 et 20 000 francs — égaux à ceux des préfets de 2e et 3° classe — encaissés par les chefs de comptoir et assimilés.

Et cela, dans une seule branche d’activité commerciale. Quoique ainsi transformés, ceux que l’on appelait sous la Restauration des « calicots » n’en sont pas moins des prolétaires de naissance, qui capitalisent leur intelligence et leur énergie. Les principaux employés de l’industrie, quoiqu’ils possèdent une instruction technique supérieure, sont aussi dénués le plus souvent de tout, capital matériel ; ils ne possèdent que le capital personnel, mais leur salaire d’une année arrive à