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qu’il n’existe personne dans la maison qui ne regrette sincèrement, et qui ne pleure encore cette excellente princesse qui n’a - été véritablement connue et appréciée qu’au dernier moment.

« La veille de sa mort, elle disait à Madame qui lui rendait les soins les plus assidus :

« — Mon cœur, ne m’aimez pas autant. Et elle l’engageait à aller se reposer en lui disant : — Si je me trouve plus mal, je vous ferai appeler. Soyez tranquille, vous me reverrez encore.

« Le 10, à quatre heures après-midi, elle fit prier le Roi de se retirer, ne voulant pas qu’il lut témoin du triste spectacle qu’allait lui causer sa mort. Cependant vers le soir, elle se trouva un peu soulagée, elle fut mieux la journée de dimanche ; celle du lundi fut si bonne qu’elle donna quelque espoir et que le médecin croyait qu’elle pourrait du moins vivre encore plusieurs semaines. Mais la nuit fut très mauvaise et le matin à sept heures, quand le Roi se rendit chez elle, elle lui dit :

« — C’en est fait, je finis.

« Cependant les médecins trouvèrent qu’elle reprenait des forces et engagèrent le Roi à se promener un moment dans le parc après ta messe. Sa Majesté sortit effectivement, mais à peine était-Elle hors du château que l’état de la Reine empira au point qu’on fut chercher le Roi et qu’elle n’existait plus quand il rentra dans son appartement. Monsieur, qui était auprès de son lit, lui a fermé les yeux. Le Roi voulut encore entrer dans la chambre de la Reine, Mme de Narbonne put seule l’en empêcher en lui parlant des dernières volontés de son auguste épouse ; il se rendit à la chapelle pénétré d’une douleur aussi vivement sentie que difficile à exprimer. »

Quelques instans après, sur les instances de son frère et de sa nièce, le Roi « dans un état d’accablement et de douleur impossible à décrire, » suivi de toute sa famille, du duc de Grammont et du comte de Blacas, quittait Hartwell pour se rendre à Wimbledon où le prince de Condé lui offrait sa maison. Le duc d’Havre restait à Hartwell chargé de tout régler et de tout ordonner en vue des funérailles. Elles eurent lieu à Londres, en grand apparat, la semaine suivante. Le corps de la Reine avait été exposé en chambre ardente trois jours durant. Elle fut inhumée provisoirement à Westminster et devait y rester jusqu’au jour où il serait possible de la transporter en Sardaigne,