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lui annonce la mort de la Reine qui a succombé le 12 à une nydropisie, « suite de la maladie noire dont elle était attaquée depuis si longtemps. » Obligée de s’aliter le 5, dès le lendemain elle s’est sentie perdue. Elle a demandé à se confesser et à recevoir les derniers sacremens que l’archevêque de Reims lui a administrés en présence du Roi, de la Duchesse d’Angoulême et de toute la maison. Le 8, le Comte d’Artois, informé de l’état de la Reine, est arrivé à Hartwell, et successivement ses deux fils qu’on est allé prévenir chez lord Moira où ils étaient à la chasse, le prince et la princesse de Condé, le duc de Bourbon. Le 10, la malade s’est trouvée si mal qu’elle a demandé à l’archevêque de lui réciter les prières des agonisans. Blacas qui donne à d’Avaray ces détails continue ainsi :

« Elle appela ensuite auprès de son lit le Roi, qui depuis quatre jours ne quittait pas un instant la chambre de la Reine, pour le remercier, dans les termes les plus touchans, de tous les soins, de toutes les attentions qu’il n’avait cessé d’avoir pour Elle, et Elle lui fit ensuite des excuses pour les chagrins, pour les peines qu’Elle avait pu lui causer, le priant de les lui pardonner et de croire que son cœur n’avait été pour rien dans ce qu’Elle avait pu faire qui l’eût affligé. Elle fit après cela approcher Madame et Monseigneur ; elle les bénit de la manière la plus tendre et la plus attendrissante, leur souhaitant tous les bonheurs qu’ils méritaient en leur disant :

« — Mes enfans, car je vous ai toujours regardés comme tels, continuée à vivre comme vous le faites, soyez résignés aux volontés de Dieu et soumis aux ordres du Roi. Recevez ce dernier avis avec ma bénédiction.

« La Reine ayant appelé ensuite M. le Duc de Berry, l’engagea à changer de conduite, en lui faisant sur celle qu’il tenait et sur celle qu’il devrait tenir, une exhortation vraiment admirable. Enfin, Sa Majesté s’adressant à Monsieur, lui parla de la fin prochaine qu’elle allait faire.

« — Je vais paraître devant Dieu, lui dit-elle ; j’ai un terrible compte à lui rendre de mes actions ; je redoute sa justice ; mais je compte sur sa miséricorde.

« Dans la journée, elle fit au duc d’Havre des excuses pour tous les momens d’impatience qu’elle avait eus contre lui et parla dans le même sens à presque tous ses gens et avec une telle bonté, une telle sensibilité, que je les ai tous vus fondre en larmes et