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mission. S’il ne lui arriva pas toujours d’être exaucé par les ministres auprès desquels il plaidait la cause de son maître, du moins était-il sûr d’être écouté par eux avec déférence.

Ceux qui se succédèrent durant son séjour en Russie, Romanzof, Czartorisky, Budberg, témoignaient de leur sympathie pour ce jeune homme qui s’acquittait avec un zèle égal à son intelligence d’un devoir difficile. Pour tenter de les gagner à ses vues, il savait employer à propos des avocats puissans et respectés, acquis déjà à la cause royale, et auxquels il n’hésitait pas à faire appel quand les circonstances l’exigeaient. Tels le duc de Serra Capriola, ambassadeur de Naples, le baron de Stedingt, ministre de Suède, et le représentant du roi de Sardaigne, Joseph de Maistre. Ces hauts personnages étaient dévoués au roi de France, Joseph de Maistre pour sa part saisissait toutes les occasions de le lui prouver. Il avait accueilli cordialement Blacas qu’il connaissait déjà pour l’avoir rencontré à Florence, et qu’à Saint-Pétersbourg le hasard lui avait donné pour voisin dans la maison qu’il habitait. Il s’était même offert pour expédier sûrement de Russie ce que Sa Majesté voudrait bien lui faire parvenir. « Mais Elle doit prendre de grandes précautions et ne se fier qu’à une personne sûre ou à un chiffre inattaquable. » Des relations de l’illustre écrivain avec le représentant de Louis XVIII naquit promptement une amitié dont leur correspondance, commencée en 1807 et qui durait encore en 1820, atteste la vivacité.

Par ces protecteurs ou par lui-même, Blacas obtint en 1807 que le Tsar, qui allait rejoindre son année, s’arrêterait à Mitau pour y voir le souverain proscrit auquel il donnait asile. Si cette entrevue n’eut pas les résultats que Blacas en avait espérés, la faute n’en fut pas à lui, mais à la fâcheuse impression qu’Alexandre emporta de sa rencontre avec Louis XVIII. Cet exilé que le malheur et des infirmités avaient précocement vieilli, lui apparut comme un homme médiocre. Il le quitta convaincu qu’il ne régnerait jamais et, après lui avoir fait de vagues promesses, il les oublia.

Le Duc d’Angoulême et le Duc de Berry qui brûlaient de faire campagne dans ses armées n’y furent pas admis, bien que le Roi l’eût sollicité pour eux, et cette déconvenue détruisit dans l’œuf le beau projet formé par d’Avaray de demander pour le cadet des deux frères la main de la grande-duchesse Anne, la