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Roi prend parti pour son ami et oblige son neveu à exprimer des regrets. Le comte de Puisaye qui ose entreprendre de perdre d’Avaray se brise à cette méchante besogne. Convaincu de mensonge, il est honteusement chassé par le Roi, qui ne le considérera plus désormais que comme un ennemi méprisable et dangereux, et qui, pour donner à son ami un témoignage éclatant de l’estime et de l’affection qu’il lui garde, le déclare « duc et pair de France[1]. »

Cette haute distinction n’était pas nécessaire pour accroître le dévouement de d’Avaray. Il n’aurait pu mettre à le manifester plus d’ardeur qu’il n’en avait mis jusque-là, et le Roi savait depuis longtemps par les innombrables preuves qu’il en avait reçues qu’il ne pouvait en attendre de plus positives. Aussi n’était-ce pas pour en provoquer de nouvelles, mais pour se donner une satisfaction douce à son cœur, qu’il venait de reconnaître ce zèle quasi héroïque, en le récompensant publiquement.

Depuis longtemps, on le sait, il avait saisi toutes les occasions de le proclamer. Les hommages qu’il lui rendait tiennent une large place dans sa correspondance. Nous les trouvons en quelque sorte résumés dans une annotation de sa main, laquelle figure sur un état des traitemens qu’il faisait à ses serviteurs. Cet état, dressé en 1807, était destiné à l’empereur Alexandre que le Roi, en prévision de sa mort, suppliait de continuer ces pensions, A côté du nom de d’Avaray, lequel en sa qualité de capitaine des gardes ut de maréchal de camp, reçoit par an dix mille livres, on lit :

« Je lui dois la vie et la liberté. Cette obligation de l’homme est la moindre de celles du Roi à son égard. Je n’ajoute qu’un seul mot : il ne lui a manqué qu’un Henri IV pour faire revivre Sully. Il est l’aîné d’une famille nombreuse et dévouée. Son père fut un des députés à l’Assemblée, qui ont le plus marqué par leur fidélité. Un de ses frères et un de ses beaux-frères sont morts au champ d’honneur à Quiberon. Il fit ses premières armes au siège de Gibraltar ; il fut fait colonel à son retour, en récompense de sa conduite valeureuse, particulièrement à l’affaire des batteries flottantes où il se trouva sur la plus exposée au feu de

  1. La scandaleuse attaque de Puisaye contre d’Avaray, dans le sixième volume de ses Mémoires, donna lieu à des incidens qu’il n’y a pas lieu de raconter ici. Le titre de duc qu’elle valut à d’Avaray ne fut pas reconnu par le gouvernement anglais. « L’ami du Roi » n’en fut pas moins pour tous les émigrés le duc d’Avaray, et c’est ainsi que désormais, ils le désignèrent. En 1817, le titre passa à son père, ieutenant général et député.