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Vos réflexions sur la tragédie historique sont d’une nouveauté et d’une profondeur extrême et seraient susceptibles de beaucoup d’heureux développemens.

Je travaille à mon Polythéisme avec une ardeur qui me charme. Je le recopie en entier moi-même pour ôter les queues encyclopédistes. Si je ne suis pas troublé par quelque orage, extérieur ou intérieur, j’aurai fini cette copie ce printems.

J’apprends à l’instant par Laborie[1]votre nomination à la Vendée[2]. Je n’ai pas besoin de vous dire que je m’en réjouis. C’est donc à Napoléon-Ville que j’irai vous voir et je mourrai sans avoir vu Bressuire.

Adieu, cher Prosper. Si vos affaires vous laissent un moment, écrivez-moi, et, surtout, ayez toujours au moins le tems de m’aimer.


BENJAMIN CONSTANT.

  1. M. Roux de Laborie, secrétaire en 1792 de M. Bigot de Sainte-Croix, ministre des Affaires étrangères, devint au 18 brumaire, après un séjour en Angleterre, chef du Secrétariat des Relations extérieures. Fondateur et co-propriétaire, avec M. Bertin, du Journal des Débats, il fut impliqué, comme celui-ci, dans une conspiration royaliste en 1800, puis exilé de 1801 à 1804. M. Roux de Laborie, secrétaire général adjoint du gouvernement provisoire en 1814, siégea en qualité de député de la Somme, à la Chambre introuvable. Spirituel et serviable, aussi souple qu’adroit, M. de Laborie avait des intelligences dans les camps les plus divers, se mêlait à tous et à tout, non sans un certain goût pour l’intrigue. Nombre de gens d’esprit fréquentaient le salon de Mme de Laborie doit le caractère répondait, assez à celui de son mari ; ils y trouvaient un centre agréable d’informations.
  2. M. de Barante avait été nommé, le 14 février, préfet de la Vendée.