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Caracalla. Cette inscription ne remonte donc pas plus haut que l’an 198 de notre ère, année où Caracalla fut proclamé Auguste ; elle pourrait, il est vrai, se rapporter à deux autres empereurs ayant régné ensemble dans un temps plus rapproché de nous ; mais le silence des écrivains relativement à la statue sonore, à partir de l’époque où régnaient Sévère et son fils, permet de croire avec quelque vraisemblance que c’est alors qu’elle cessa de se faire entendre, ce qu’on ne peut attribuer qu’à une restauration.

Étant donnés l’état des esprits à cette époque, la recrudescence de piété en faveur des anciennes divinités, surtout pour le culte du Soleil[1], qui alla toujours croissant jusqu’au temps de Julien, on peut, je crois, affirmer que c’est entre le voyage de Septime Sévère en Thébaïde et la mort de Caracalla, c’est-à-dire entre l’an 201 et l’an 217, de notre ère, que dut s’accomplir cette restauration. Ignorant la cause scientifique de la vibration sonore, ne cherchant même pas à la découvrir puisqu’on la croyait émanée de la puissance divine, ceux qui entreprirent ce travail y employèrent, non la même substance, mais des blocs de grès appareillés en cinq rangs d’assises superposées, dont la dernière forme la tête. Ainsi disposées, ces pierres fermèrent l’orifice par où se dégageait la vapeur, ce qui empêcha la vibration de continuer à se produire. De brillantes couleurs rehaussèrent l’ensemble du monument, et lorsqu’il apparut à nouveau, dans sa splendeur première, nul ne douta que le dieu ne recommençât à rendre ses oracles ; mais, ô déception amère ! la voix mélodieuse ne fit plus entendre ses harmonieux accords, et ce fut le Galiléen qui resta triomphant.


P. HIPPOLYTE-BOUSSAC.

  1. Philostrate appelle Memnon le soleil éthiopien. Vie d’Apollonius de Tyane, liv. VI, 4.