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Ce bas-relief et son texte explicatif sont, ainsi qu’on peut le voir, d’un intérêt indiscutable, puisqu’ils nous montrent comment, sous la XIIe dynastie, s’effectuait le transport de ces énormes monolithes. Or, jusqu’au temps des Ptolémées, époque où l’influence grecque commença de s’infiltrer peu à peu dans la vallée du Nil, une innovation étant chose fort rare en Égypte, il est permis d’affirmer qu’on employa le même système pour transporter dans la plaine de Thèbes les deux statues que nous y voyons encore aujourd’hui. Mais arrivé à destination, il s’agissait de hisser chaque monolithe à sa place définitive ; dès lors, on construisait un plan incliné, en pierres ou en briques, allant du sol à la partie supérieure du piédestal, et c’est par ce chemin improvisé, qu’à nouveau tirée à bras d’hommes, la statue était dressée sur sa plate-forme. Cette opération terminée, des ouvriers enduisaient le colosse d’un stuc blanc très fin, sur lequel ils appliquaient de brillantes couleurs. Les chairs recevaient une teinte rouge, la coiffure était striée de raies bleues et jaunes, la schenti[1]et autres parties du costume avaient la coloration qui convenait.

C’est ainsi qu’apparaissaient, dans leur nouveauté, les statues du pharaon Amenhotep III.

Aucun texte ne mentionne l’architecte qui dirigea la mise en place de ces monolithes, mais on peut, sans invraisemblance, en attribuer l’honneur à un fonctionnaire de la cour d’Amenhotep III, portant, comme ce prince, le nom d’Amenhotep et dont on voit la statue au musée égyptien du Caire. Cette figure, taillée dans un calcaire compact, représente le personnage assis par terre, les genoux relevés jusqu’au menton, le tout recouvert d’une ample draperie. Une inscription gravée sur l’étoffe nous apprend, entre autres choses, qu’il fut littérateur distingué et promu aux plus hautes dignités. Nommé général en chef, commandant les troupes égyptiennes, il devint ensuite architecte principal de Thèbes et surintendant de tous les travaux. À ce titre, il fit construire un pylône, ériger des colonnes de dimensions colossales, travailla à l’embellissement d’un temple et éleva, au roi, une statue de granit ornée de pierreries.

Quoique l’inscription n’en parle pas, il est difficile de ne point admettre que c’est ce personnage qui fit transporter, en

  1. La schenti était une sorte de pagne.