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le plus magnifique des rois d’Israël vint au-devant de la reine de Saba, au pied du Sinaï où Moïse, recevant de Dieu la Loi,


Dans le nuage obscur lui parlait face à face,


des troupes turques et anglo-égyptiennes ont été à la veille d’en venir aux mains ; le monde, pendant quinze jours, a été occupé de Tabah et d’Akaba. Ces lieux que l’humanité révère pour y avoir vécu quelques-unes des heures solennelles de sa destinée, s’éveillent de nouveau à la vie et à l’histoire : la civilisation européenne, refluant vers ses origines, provoque sur sa route la résurrection de l’Asie.

La saignée profonde de l’écorce terrestre où la Mer-Rouge s’allonge sous son ciel de feu, vient se heurter au Nord aux puissantes assises du Sinaï ; sa masse la divise en deux golfes qui étreignent, comme entre les deux branches d’une pince, la péninsule triangulaire de Tor-Sinaï. Ces deux bras de mer, jadis, finissaient en cul-de-sac, l’un à Suez, l’autre à Akaba. Depuis longtemps la branche d’Akaba n’avait plus d’histoire ; la fortune de celle de Suez, depuis l’ouverture du canal, avait achevé de la reléguer dans l’oubli et l’obscurité ; on pouvait cependant lui prédire qu’un jour sa position et son orientation attireraient de nouveau l’attention sur elle. La longue crevasse que remplissent les eaux de la Mer-Rouge se continue bien avant dans les terres : entre les montagnes de Moab, qui forment le rebord occidental du plateau d’Arabie, et le massif dont le Sinaï est le sommet le plus élevé, s’ouvre une large dépression, nommée El-Arabah qu’un seuil peu élevé sépare de la Mer-Rouge et dont une série de lagunes jalonne le fond ; elle se dirige droit vers le Nord et vient s’évaser en une vaste cuvette dont la Mer-Morte, à 394 mètres au-dessous du niveau des océans, occupe la partie la plus déprimée ; la vallée du Jourdain, si curieusement rectiligne, et le lac de Tibériade prolongent encore cette étrange faille qui, de la Palestine et de la Syrie à la Mer-Rouge, est la voie la plus courte et la plus directe. Cette route, tracée par la nature elle-même, fut jadis très fréquentée et pourrait le redevenir. Le petit port u Akaba marque précisément le point où elle aboutit à la mer. Tabah, à douze kilomètres à l’Ouest d’Akaba, n’est même pas un village, un simple point d’eau, une petite oasis avec quelques dattiers ; mais qui occupe Tabah,