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dans un ordre admirable, amenés avec une précision mathématique par les navires de la flotte, les régimens débarquent et grimpent à leur tour ; avant huit heures, cinq mille Anglais étaient rangés à moins d’une lieue en arrière de Québec.

Montcalm a rassemblé en hâte tous les hommes qu’il peut rallier ; il franchit la rivière Saint-Charles et se presse vers le plateau, tandis que Vaudreuil, trop calme, demeure en arrière, et que le gouverneur de Québec, Ramzay, refuse de lui envoyer de l’artillerie. Aux francs-tireurs qui les inquiètent d’abord, les Anglais opposent l’immobilité la plus complète, mais Wolfe, dans ces engagemens préliminaires, est blessé à mort. Ses brigadiers, confians maintenant, prennent ses ordres et s’y conforment exactement : les soldats attendent, l’arme au bras ; au moment où nos troupes, difficilement retenues par Montcalm, chargent avant d’être solidement appuyées sur leurs derrières, une volée terrible, partie de tout le front anglais, brise leur élan ; une seconde volée met le désordre dans leurs rangs, et bientôt tout fuit, vers la ville ou vers la rivière Saint-Charles ; Montcalm est blessé à mort, lui aussi, en essayant de rallier la retraite ; l’action décisive n’a duré que quelques minutes.

Townsend, qui avait pris le commandement des Anglais, n’était pas, malgré la victoire, en facile posture : Québec en face de lui, Vaudreuil sur son flanc gauche, Bougainville arrivant sur sa droite, il pouvait être cerné rapidement, malgré le concours de la flotte, qui divisait les défenseurs de Québec ; Lévis, descendant de Montréal avec des renforts, approchait à marches forcées. Mais la résistance avait perdu son chef : Bougainville et Lévis étaient hors de portée encore, de sorte que l’armée régulière et la flotte des Anglais n’avaient devant elles d’autres adversaires immédiats que Vaudreuil et Ramzay ; la mort de Montcalm fut donc, pour les Anglais l’atout suprême. Vaudreuil n’ose pas livrer une nouvelle bataille, et va se joindre à Bougainville ; Ramzay, découragé, capitule le 19 septembre, alors que Lévis n’était plus qu’à une journée de Québec. Les Anglais pénètrent dans la ville, qu’ils trouvent en ruines : ils font prêter serment de fidélité aux habitans, auxquels une proclamation de Monkton garantit la possession de leurs biens et l’exercice de la religion catholique ; les soldats prisonniers, ainsi qu’un certain nombre d’habitans, sont renvoyés en France. Murray, nommé gouverneur de Québec, y installe une garnison d’environ huit mille hommes.