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Québec, avec une pointe de territoire au sud du fleuve, le long du lac Champlain.

En 1759, à l’instigation de Pitt lui-même, les colonies anglaises, appuyées par leur métropole, combinent un effort général : à l’est, une armée britannique remontera le Saint-Laurent pour s’emparer de Québec, c’est celle de Wolfe ; à l’ouest, Johnson partira du lac Ontario et descendra le fleuve en balayant les Français devant lui ; au centre, le général Amherst attaquera par le lac Champlain. Ces deux derniers corps firent peu de besogne ; mais les troupes de Wolfe, après un siège de trois mois, s’emparent de Québec (juin-septembre) ; Wolfe a péri dans sa victoire et Montcalm, blessé à mort, lui survit seulement quelques heures. Lévis, qui prend alors le commandement des Français, se retire sur Montréal. C’est de là qu’il tente, au printemps de 1760, un dernier effort ; descendant le fleuve, il vient mettre le siège devant Québec, où la garnison anglaise avait beaucoup souffert des privations et du froid ; mais l’arrivée d’une flotte d’Angleterre l’oblige à reculer ; les troupes britanniques s’avancent derrière lui, soumettent sans hâte toutes les « côtes », tandis que des renforts leur arrivent par le haut fleuve et par le lac Champlain ; Montréal, investi de toutes parts, sans vivres, sans munitions, capitule le 8 septembre. Le traité de Paris (10 février 1763) consacre notre déchéance en Amérique : c’en est fait du Canada français.

Telle est la rapide analyse du drame ; il vaut la peine maintenant de revenir en arrière pour en étudier de plus près le cadre, les principaux personnages et les épisodes essentiels.


L’énumération des faits militaires qui précède ne doit pas faire illusion ; les campagnes, si importantes qu’en aient été les suites, ne duraient pas plus de quelques semaines par an, et seules, les opérations devant Québec se prolongèrent au-delà de ce terme moyen. En hiver, on peut dire que le Canada n’avait rien à craindre ; dès la fin de novembre, jusqu’au milieu d’avril, le Saint-Laurent est obstrué par les glaces, toutes relations sont donc fermées avec l’Europe ; c’est la saison des transports sur la neige durcie, à travers les bois, celle des longues expéditions de trappeurs à la poursuite des bêtes à fourrures, de l’association la plus intime, la plus diffuse entre les coureurs de bois et les sauvages. En hiver, des groupes de partisans canadiens ont souvent dirigé des expéditions de pillage contre les fermes anglaises les plus