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furent investis de pouvoirs dictatoriaux. La troisième section augmenta le nombre de ses agens. De 1879 à 1880, une sorte de terreur blanche répond à la terreur rouge. Les conseils de guerre condamnent à la potence vingt et un révolutionnaires. On expulse les suspects en masse. Il suffit de posséder chez soi une proclamation du Comité exécutif, pour encourir les travaux forcés ou la mort.

Afin de mieux combattre la révolution, le comte Loris Mélikof, auquel Alexandre II avait, en 1880, accordé sa confiance, cherchait à gagner l’opposition libérale. Il élaborait un projet de constitution d’après lequel le Conseil d’Etat, l’autorité législative et bureaucratique de l’Empire, était fortifié, élargi, soumis, quoique en partie et indirectement, au principe électif, par l’adjonction de représentans des Zemstvos et des Conseillers municipaux des grandes villes. Ce Conseil restait un corps simplement consultatif. — Les exigences des terroristes allaient bien au-delà : dans les circulaires adressées à leurs affiliés, ils ne reconnaissaient d’autre source de législation que la volonté nationale, telle que l’interprétait leur infaillibilité personnelle. Le projet de Loris Mélikof obtint le consentement du tsar : il fut tenu provisoirement secret. La veille du jour où il allait être promulgué, le 1er mars 1881, le tsar tombait mortellement atteint par une bombe. Pour cette exécution quarante-sept candidats s’étaient présentés, six avaient été élus. Une répétition générale eut lieu sous la direction de Kibaltchitch. Postés dans la rue qui longe le canal Catherine, les conjurés, attendaient le signal de Sophie Perovskaïa et d’une juive, Jessa Helfmann. Ryssakof lança la première bombe ; elle n’atteignit que l’escorte impériale. Une seconde bombe, celle de Grinewizki tuait à la fois le tsar et son meurtrier.

Cet acte de quelques jeunes gens, sans force réelle, sans complices, sans alliés, n’amena aucun soulèvement. Bien loin de hâter la révolution, les terroristes fermaient à la Russie la voie du progrès politique. Dix jours après l’assassinat, le comité exécutif avait adressé à Alexandre III une sommation respectueuse : que le Tsar fasse appel au concours du peuple, pour réviser les formes de la vie sociale ; ils promettaient de se soumettre sans conditions à une assemblée librement élue. Le manifeste impérial du 24 avril 1881 trancha la question de savoir si la Russie deviendrait constitutionnelle ou resterait absolutiste. Le jeune Souverain déclarait à son peuple que Dieu lui ordonnait de tenir