Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impossible. Avec ce don d’insinuation persistante qui le rendait irrésistible, il persuada Prim, Serrano, Topete et les membres de la commission de la Constitution que, pratiquement, la seule démarche utile serait de recommencer de nouvelles instances auprès du candidat universellement souhaité, Fernand de Portugal. Tessara, nommé ministre en Angleterre, fut chargé de demander appui à Paris et à Londres pour soutenir les démarches à Lisbonne. Un envoyé spécial, Rios Rosas, dépêché à dom Fernand, fut autorisé à lui promettre le dépôt, dans des banques européennes, d’une somme équivalente au capital de la pension annuelle que le Roi recevait du Portugal et qu’il ne retrouverait pas s’il était renversé du trône. Enfin une commission fut désignée pour aller officiellement offrir la couronne au prince. Celui-ci ne lui laissa pas le temps d’arriver. Par un bref télégramme, il notifia un nouveau refus (5 avril). Le désappointement et la colère furent extrêmes à Madrid. Les Espagnols, malgré toutes leurs diminutions de puissance, considéraient toujours leur royauté comme la première du monde et il leur paraissait incroyable qu’un principicule allemand osât la dédaigner. Ruis Zorilla, avec la brutalité ordinaire de son langage, dit au comte d’Alte qui le lui annonçait : « Faites savoir à votre prince qu’il n’est qu’un égoïste, qu’il sera cause que nous aurons ici la République, mais, qu’après avoir été proclamée à Madrid la République le sera bientôt à Lisbonne, et qu’il devra alors continuer sa vie voluptueuse auprès de dona Isabelle de Bourbon. »

Olozaga attribua ce refus aux intrigues de Montpensier et dit qu’il fallait l’exclure de Lisbonne. Mais une lettre de Tessara en rejeta la responsabilité sur Napoléon III. « Le gouvernement français, écrivait-il, désirait une restauration alphonsiste et encourageait les menées des réfugiés espagnols. » Dans un premier mouvement de colère contre cette opposition inattendue, Serrano communiqua cette dépêche à tout venant. Olozaga, très instruit des véritables pensées de l’Empereur, ne crut pas à l’exactitude de l’information. Il supplia Serrano de s’en taire jusqu’à éclaircissement. Mais l’indiscrétion avait vite produit ses effets, et s’était répandue dans le public. Malgré les dénégations prodiguées le lendemain, malgré les assurances du ministre de l’Intérieur à tous les journaux, il ne fut bruit que des projets de restauration de l’Empereur.

Olozaga ne se trompait pas en doutant de la véracité du