Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses lettres de créance, la situation irrégulière de son gouvernement ne permettant pas les solennités habituelles, discours, etc. Dans cette audience[1] le Souverain se montra si cordial envers l’ambassadeur et envers son pays que le gouvernement espagnol le remercia chaleureusement. L’Empereur avait obtenu le même accueil du cabinet anglais avec lequel il était résolu à marcher d’accord[2].


IX

A la nouvelle de la Révolution d’Espagne, il n’y eut dans les chancelleries et dans les milieux politiques qu’un cri : « Quelle aubaine pour la Prusse ! » suivi d’un autre cri : « C’est elle qui l’a préparée. » On racontait partout que Bismarck s’était écrié en l’apprenant : « C’est ma planche de salut ! » Cette croyance fut encouragée par la satisfaction débordante des journaux dévoués à l’ambition prussienne et par les craintes de ceux qui luttaient contre elle. On lisait par exemple dans la Nouvelle Gazette Badoise : « Le langage favorable et les bonnes dispositions que les journaux prussiens manifestent pour la révolution espagnole ne nous ont pas étonnés et nous croyons que cette conduite de la presse prussienne ne doit pas avoir surpris en France, car là comme ici, on doit savoir que la Prusse, non seulement n’est pas étrangère aux derniers événemens d’Espagne, mais que c’est elle qui les a provoqués. Le but de la Prusse n’est pas difficile à deviner. Créer des difficultés à la France ; forcer le gouvernement français d’intervenir en Espagne, et profiter de ce moment pour faire un nouveau pas dans la politique annexionniste en dévorant le grand-duché de Bade, par exemple. Voilà le but prussien. » (5 octobre.)

Combien plus ce sentiment se fût-il répandu si le public avait pu entendre ce que les hommes d’État prussiens se disaient entre eux ! Le prince Antoine, ce prétendu ami de Napoléon III, écrivait au

  1. 23 décembre.
  2. 31 décembre, de La Tour d’Auvergne : « Lord Clarendon apprécie les motifs qui inspirent au gouvernement de l’Empereur de déférer au vœu exprimé par M. Olozaga de présenter sans audience solennelle ses lettres de créance à l’Empereur. Le même traitement sera fait par le gouvernement anglais au nouvel envoyé d’Espagne. »