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et Napoléon III. Dans les cérémonies civiles, ils n’avaient point d’autre costume que le militaire ; bien que le premier de ces princes ne fut nullement belliqueux et que le second ne fut nullement général. Mais c’est une tradition.

C’était une nécessite au moyen âge. Quand l’armature sociale était maintenue par la force et dérangée par la guerre ; quand les meilleures chances de fortune consistaient, soit à troubler l’ordre, soit à l’affermir, les collaborateurs du chef militaire, ceux qui, à divers titres, secondaient son action ou garantissaient son pouvoir, furent aussi les plus amplement rémunérés. Ils le furent beaucoup mieux que nos officiers actuels : on voit au budget de l’année courante, que la solde d’un général de division est de 19.900 fr., celle du général de brigade de 13.260 fr., celle du colonel de 8.560 fr. Les chefs de bataillon ou d’escadron touchent 5.800 fr., les capitaines 3.675, les lieutenans de 1re classe 2.840 fr., les sous-lieutenans 2.460 fr.

Ces soldes sont à l’étiage des traitemens correspondais des autres carrières. Il y a peu de fonctionnaires civils moins rétribués que les sous-lieutenans et plus rétribués que les généraux de division. Il en est cependant, sans parler des ministres ni des agens diplomatiques, qui touchent davantage : les préfets de 1re et 2e classe, les trésoriers généraux, les gouverneurs des colonies, quelques magistrats et directeurs de ministères. Mais c’est dans les administrations privées et parmi les professions libérales que se rencontrent presque exclusivement les gros émolumens, et qu’ils s’y trouvent en très grand nombre et à des taux jadis inconnus.

C’était tout le contraire au moyen âge : les charges publiques étaient de beaucoup les plus lucratives et, parmi les charges publiques, les emplois guerriers étaient, au point de vue des appointemens, hors de pair. Parmi les traitemens que j’ai notés, le plus haut est de 257.000 fr., attribués en 1553 au chambellan de Charles-Quint. Le titulaire de cette charge est un personnage exceptionnel et quasi souverain, le célèbre comte d’Egmont, prince de Gavre, le vainqueur de Saint-Quentin, future victime du duc d’Albe. Peut-être dois-je signaler au lecteur que le document d’où ce chiffre est extrait, indique les « gages » du comte d’Egmont « par jour. » C’est en multipliant par 365 l’émolument journalier, qui nous est connu, que j’établis le total annuel. L’on pourrait objecter qu’un salaire stipulé « par jour » a sans doute, par là