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ces aphorismes, ces mots ont un autre inconvénient, celui de ralentir le mouvement. En second lieu, un raisonneur doit être de toute la pièce l’homme le moins qualifié pour se poser en moraliste, et de quelque morale que ce soit. Le baron ne manque pas à cette partie de la définition. C’est un type de vieux célibataire égoïste : il ne s’est pas marié, pour s’épargner l’embarras et les charges d’un ménage, d’une femme, d’une famille. Mais, pour être célibataire on n’en est pas moins homme ; il vit donc avec sa bonne : il y trouve autant de plaisir et plus d’économie. Voilà un gaillard qui est tout à fait en situation pour rappeler les autres à la pudeur ! Donc il les morigène d’importance et gourmande leur vanité — au nom de l’ignominie de sa propre existence. Ses aphorismes ont ce caractère particulier d’être tout à fait dénués de sens. « Je suis, déclare-t-il, un collectiviste isolé. » Comprenne qui pourra ! Dans la vie réelle, nous fuirions la présence importune et la niaiserie prétentieuse de cet individu. Au théâtre, nous sommes obligés de le subir. Nous en voulons à l’auteur de nous l’avoir imposé. Ou plutôt nous lui reprochons d’avoir accueilli ce type conventionnel, parce qu’il le trouvait tout fait et tout prêt, et d’avoir employé, parce qu’il le trouvait commode, un procédé suranné et qui donne à sa pièce on ne sait quel air vieillot.

Il ne faut pas davantage demander à M. Donnay de concentrer l’intérêt, sa manière étant au contraire de l’éparpiller. Il ne faut pas lui demander de nous représenter, — ce qui est pourtant la loi du théâtre, — un raccourci d’action : une forme ramassée est tout le contraire de sa forme qui est volontairement distendue, étirée. L’accessoire n’y laisse plus de place à l’essentiel. On s’aperçoit qu’on a déjà rendu compte de tout ce qu’il y a de plus frappant, de plus curieux et de plus amusant dans une pièce de M. Donnay, sans avoir encore eu un mot à dire de la pièce elle-même. Ses pièces touchent déjà à leur fin qu’elles n’ont pas encore commencé. Au moins voilà un auteur auquel on ne reprochera pas d’être trop pressé d’arriver au but ! Dans Paraître ! nous sommes déjà à la dernière scène du troisième acte, nous avons déjà vu défiler toute une série de personnages, — dont la plupart ne serviront à rien et qu’on aurait pu supprimer, — nous avons entendu parler de tout et de quelques autres choses encore, nous avons salué au passage tout un bataillon de drôleries qui sont pour nous de vieilles connaissances ; nous ne savons pas encore comment le drame va se dessiner. Nous avons cependant appris, chemin faisant, que Juliette Margès est devenue la femme de Jean Reitzell. Ça été pour elle un mariage inespéré. Car les Margès sont de petits