Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait par quel lien trop subtil se rattachent au dessein général plusieurs des personnages, et non des moins en relief.

Voici une Mme Hurtz qui se guinde en poétesse. Elle dit ses vers dans les salons : les femmes s’agenouillent autour d’elle et se pâment en cercle. Direz-vous que Mme Hurtz veut « paraître » avoir du talent ? Mais c’est le cas de tous les poètes, aussi bien que des poétesses, et des professionnels aussi bien que des amateurs. Quiconque tient une plume en est là. Le cas de cette dame est des plus caractérisés. Elle est atteinte de cernai de la littérature, de cette « littératurite » aiguë, dont nos contemporains ne meurent pas tous, mais dont ils sont tous frappés. Les femmes passaient jadis pour aimer les littérateurs plus que la littérature ; elles en sont venues à aimer la littérature pour elle même ; elles lui consacrent leurs loisirs. C’est le plus innocent des passe-temps, et, si on les en raille, il faut que ce soit avec indulgence.

Voici une petite Mme Lacouderie qui nous conte, le plus gentiment du monde, l’aventure tragi-comique dont elle est la déplorable héroïne. Elle se trouvait aux bains de mer, sur une plage à la mode, dans le monde où l’on flirte. Elle n’a pas voulu avoir l’air plus bégueule qu’une autre, ni surtout plus délaissée. Elle a pris un amant. Seulement, comme elle n’avait pas l’habitude, elle l’a mal pris. Le gentleman, auquel elle n’a pas su résister, est un affreux escroc qui exerce sur elle un chantage en règle. C’est ce qui s’appelle ne pas avoir de chance. Mais où voit-on dans tout cela que Mme Lacouderie cherche à « paraître ? « C’est plutôt le contraire qu’elle souhaite ; elle se cache ; ses rendez-vous furtifs dans de vagues hôtels tout à fait dépourvus d’apparence n’ont rien qui ressemble à de l’ostentation. C’est même cette crainte d’être découverte qui la met à la merci de son amant et fait d’elle la victime d’un maître chanteur. L’anecdote de Mme Lacouderie, qui est du reste l’épisode le mieux venu de toute la pièce, servirait très bien, dans une « morale en action, » à illustrer le chapitre du danger des mauvais exemples, ou celui des inconvéniens de mal choisir ses relations.

Voici Paul Margès qui, comme avocat, plaide pour les patrons, et, comme député, se fait élire avec l’étiquette de socialiste. Il joue un double rôle ; c’est maître Jacques : est-ce à l’avocat, est-ce au député que vous voulez parler ? Au fond, il est moins socialiste que vous ou moi ; ses goûts de simplicité, autant que les goûts de luxe de son épouse, dénotent des âmes bourgeoises et conservatrices ; mais le socialisme est un moyen de parvenir. Paul Margès est donc