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premier peut-être, pourquoi. Voici comment il s’est, à lui-même, répondu : « Là-haut, dans l’Eglise triomphante, où les bienheureux jouissent de la vision de Dieu, si les Séraphins chantent et si les élus un jour chanteront, il n’y a pas et il n’y aura jamais d’instrument ni de chose matérielle. Ainsi dans cette chapelle sacrée, symbole du royaume céleste, où chacun se tient tourné vers le visage du Pontife, chef de l’Eglise militante, il n’est pas étonnant qu’au lieu du son des instrumens, on n’entende que la musique des voix. »

À ces raisons d’ordre symbolique et surnaturel, on en pourrait ajouter d’autres. La première serait qu’aux XVe et XVIe siècles, la polyphonie vocale était la forme par excellence de la musique. En outre, — et cela dès cette terre, — il semble bien qu’un rapport essentiel existe entre l’idéal religieux et la vocalité pure. Celle-ci réduit à rien, dans la musique d’église, l’apparat ou l’appareil visible. Elle éloigne, bien plus elle supprime tout ce qui peut ressembler à la musique profane, de théâtre ou de concert, et la rappeler. Les Papes ont compris de tout temps cette convenance, esthétique autant que religieuse, et l’honneur quatre fois séculaire de leur chapelle est de n’y avoir jamais failli. Les plus fastueux, les plus mondains entre les Pontifes de la Renaissance, n’ont admis en leur sanctuaire que des chants dont messieurs les curés de Paris, — trois ou quatre exceptés, — refusent opiniâtrement d’ « attrister » leurs offices, et que jugent surtout indignes de leurs mariages et de leurs funérailles messieurs les paroissiens.

Ainsi les mots a cappella (« comme à la chapelle, » à la chapelle par excellence) ont fini par désigner ce qu’il y a dans la musique d’église (avec ou après le chant grégorien) de plus pur et de plus idéal. Ainsi la musique, sous la voûte et sous la peinture sixtine, n’a vécu que du verbe et du souffle de l’homme, et le souffle est esprit. Ainsi, pour qu’en s’opposant, et par leur opposition même, cette peinture et cette musique fussent en harmonie, à la splendeur corporelle de l’une, l’admirable spiritualité de l’autre a répondu.


III

L’une et l’autre se répondent sur tous les tons et dans tous tes modes. Un mystérieux et perpétuel échange se fait entre elles de toutes leurs vertus et de toutes leurs beautés.